Jason Conyard a sans doute été confronté à la pandémie de Covid-19 avant la plupart des autres responsables IT. Passé par l'Inde puis par Singapour en janvier et février 2020, il a vu le danger émerger de la Chine et a assisté au début de propagation de l’épidémie dans d'autres pays. En tant que vice-président de l’IT responsable de l'expérience technologique des 33 000 employés de VMware, il a immédiatement commencé à évaluer ses chaînes d'approvisionnement, à prévoir des capacités pour ses collègues et à s’assurer que le personnel était équipé pour travailler à distance. Au mois de mars, quand le coronavirus a atteint les États-Unis, VMware n’a eu qu’à actionner un interrupteur et à inviter la plupart de ses employés à travailler à domicile. Du jour au lendemain, 95 % des employés de VMware travaillaient à distance, un changement brutal et rapide à tous points de vue. « La bonne nouvelle, c'est que nous disposions déjà à de l’essentiel des capacités dont nous avions besoin », a expliqué M. Conyard, promu au poste de DSI en septembre, après plus de cinq ans passés au service du fournisseur. « Je n'avais aucune idée de l'importance que cela aurait pendant la pandémie », a-t-il ajouté. Concernant l'avenir, M. Conyard réfléchit à la façon d'aider l'entreprise à s'orienter vers des modalités de travail sans frontières, et à l'impact que cela aura sur la technologie et les talents.

Le défi auquel est confronté Jason Conyard dans ce contexte de pandémie mondiale est celui de nombreux autres dirigeants IT. Près d'un an après le début de l'épidémie, les entreprises investissent dans le traçage des cas contact, les scanners thermiques, les capteurs et autres outils de sécurité, et gèrent leurs espaces de bureau comme des environnements de travail flexibles. La plupart des responsables IT ont mis en place des solutions de communications en temps réel pour faciliter les réunions entre participants physiques et virtuels, s'abonnent à des applications d'hôtellerie pour permettre aux travailleurs de réserver un bureau ou une salle de réunion de manière ponctuelle, et mettent en œuvre des logiciels de productivité et de collaboration adaptés à la main-d'œuvre hybride.

Avant la pandémie, certains employés de VMware à Palo Alto venaient travailler avec leur chien. (Crédit Serge Leblal)

Initiative « Future of Work »

Alors que la plupart des entreprises ont dû se familiariser avec la technologie et les processus nécessaires pour prendre en charge le travail à distance, VMware avait déjà une longueur d'avance. Il y a plusieurs années, le fournisseur avait lancé l’initiative « Future of Work » dont l’idée principale était d’apporter aux gens la technologie et les pratiques appropriées pour travailler au bureau, à domicile et dans d'autres lieux éloignés. En fait, « Future of Work » est un modèle de travail hybride avant l’heure, que de nombreuses entreprises ont cherché à adopter dans le sillage de la pandémie. L’initiative a été portée par les dirigeants de VMware, à commencer par son ex CEO Pat Gelsinger, parti chez Intel, son responsable des ressources humaines, Rich Lang, et bien évidemment Jason Conyard. Tous trois se rencontraient régulièrement pour mettre au point les processus et les technologies nécessaires.

 

Jason Conyard, DSI de VMware. (Crédit : VMware)

VMware avait déjà déployé des outils SaaS de productivité bureautique, de collaboration vidéo et de VPN, ainsi que plusieurs de ses propres solutions, dont Workspace One, une plate-forme d’espace de travail numérique intelligente avec authentification unique sécurisée (SSO) et bureau virtuel, de la gestion des points d'extrémité et d'autres outils de gestion d'entreprise. « L'équipe IT a complété ces capacités par de nouveaux haut-parleurs, webcams, grands écrans et autres matériels qu’elle a envoyés aux employés », a expliqué M. Conyard. Conscient que la collaboration sur les projets de programmation nécessiterait une nouvelle capacité virtuelle, VMware a également standardisé Miro, un outil de tableau blanc numérique qui permet aux utilisateurs de partager, de collaborer et d'affiner le code, en reproduisant les tableaux physiques caractéristiques des sessions Scrum.

Cibler les mises à niveau de  réalité augmentée (RA) et virtuelle (RV)

Cette année, Jason Conyard s’est attelé à la question des salles de conférence de VMware, avec pour objectif de mettre au même niveau les participants physiques et virtuels. Actuellement, ces salles sont équipées de grands écrans de projection et d'un ensemble de micros et de caméras qui facilitent les réunions entre les personnes présentes et la plupart des participants à distance, afin de respecter les restrictions de distanciation sociale. Mais le défi consiste à faire en sorte que les participants à distance soient traités comme des participants à part entière. « La qualité audio des salles de conférence est parfois insuffisante pour les personnes qui se connectent à distance depuis leur ordinateur portable ou leur téléphone mobile. Et l'expérience visuelle n'est pas non plus à la hauteur, les participants à distance étant représentés sous forme de photos ou d'avatars, faisant abstraction de tout langage non verbal, sans parler du hachage dans le contenu des présentations », a encore expliqué M. Conyard.

M. Conyard pense que la réalité virtuelle (RV) peut permettre de créer une « connexion plus émotionnelle » dans les réunions, ajoutant que ses équipes expérimentent encore des applications et le matériel pour la mettre en œuvre. La solution Workspace One de VMware s'intègre à de nombreux casques de réalité virtuelle, résolvant ainsi les problèmes de gestion aux points d’entrée et aux points terminaux, mais les paramètres RV restent difficile à gérer, ce qui contrecarre la prise de notes. En outre, peu d'employés possèdent un casque RV, encore assez coûteux. L’initiative « Future of Work » de VMware consiste aussi à identifier les préférences des employés, savoir comment et où ils préfèrent travailler, et proposer suffisamment de flexibilité pour attirer des talents en vue de développer des marchés auxquels elle n'avait pas pensé auparavant. « La pandémie nous a donné l'occasion d'accélérer cette réflexion et d'aller plus loin », a déclaré M. Conyard.

Des DSI dépassant le simple cadre IT 

Et si le DSI gère l'empreinte technologique mondiale de VMware, il insiste sur le fait qu'aider les gens à s'adapter aux changements est peut-être sa mission la plus importante. Dans cet esprit, il considère l'intelligence émotionnelle comme un atout précieux à laquelle il accorde beaucoup d’attention dans ses recrutements. « Mon travail de DSI est beaucoup moins axé sur la technologie que sur les personnes », a ajouté M. Conyard. « Cette attitude sonne juste dans ce contexte où les CEO attendent des DSI qu’ils fassent preuve d'empathie envers les employés », a déclaré Daniel Sanchez-Reina, directeur de la recherche senior chez Gartner. « L’avenir est encore plein d’incertitudes et les CEO veulent que les DSI soient déterminés, qu’ils prennent et mettent en œuvre des décisions opportunes, mais qu’ils fassent aussi preuve de tact et d’habileté sur le plan émotionnel pour soutenir les employés », a-t-il ajouté. « Entre 2019 et 2020, cette demande d’empathie de la part des DSI pour soutenir les parties prenantes et les aider à affronter ces nouveaux défis a bondi de 92 % », a-t-il aussi précisé.