Chacun dans son couloir

Tout le monde travaille dans un couloir fermé, vers un seul objectif, sans contact avec d'autres unités. Chacun reporte à son chef de projet, mais reste rivé sur son développement, son objectif produit. Les chefs de projets sont soumis à une concurrence terrible entre eux.

Le plus étonnant, c'est l'absence de responsabilité budgétaire ou marketing des cadres intermédiaires. Contrairement à toutes les autres grandes entreprises. Chaque cadre doit se concentrer sur son projet, ses collaborateurs aussi, il ne peut être distrait par des considérations budgétaires ou autres. Les responsables financiers s'occupent de finances, les responsables techniques des produits, le marketing du marketing. Chacun dans son couloir, comme un sprinter en athlétisme. C'est le concept de DRI Directly responsible individual. Chaque personne est affectée à une tâche et à une seule.

Au sommet de l'entreprise, le schéma est là encore inédit, Tim Cook est au centre d'une toile avec des vice-présidents en étoile qui lui rendent des comptes. Pas de notion très pyramidale donc, mais une extrême centralisation et spécialisation à tous les niveaux et au sommet.

Apple est une machine entièrement vouée à l'innovation technique et design. Derrière, c'est une machine à exécuter. C'est l'une des raisons de l'ascension de Tim Cook (passé chez IBM  et Compaq) l'homme de la logistique et des sous-traitants, qui a ainsi gagné ses galons, en déchargeant Steve Jobs du back office pour qu'il se concentre sur les produits. Apple est une formidable entreprise de mise sur le marché de produits innovants, mais derrière, l'exigence de gestion est aussi implacable.

Pour la sortie des produits, l'organisation et le climat sont quasi militaires. Concentration  totale vers l'objectif produit, tout est testé de multiples fois, avec une attention extrême aux détails, inoculée par Steve Jobs, lui-même obsessionnel et dictatorial. Un manuel interne, le Apple new product process, ANPP, établit par étape le processus (c'est le même chez Xerox et HP). « Apple est obsédé par l'expérience utilisateur, pas par l'optimisation des revenus ».