Dans un litige avec Oracle né au début des années 2000, la première manche vient d'être remportée par l'AFPA et son intégrateur Sopra dans un jugement qui vient d'être publié. L'Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes était en effet accusée par l'éditeur d'avoir outrepassé ses licences de E-Business Suite et d'avoir ainsi commis une contrefaçon. Les audits diligentés par l'éditeur pour forcer la main à la conclusion d'un contrat plus vaste ont abouti à une jurisprudence des plus gênantes pour Oracle.

De fait, le jugement qui vient d'être publié remet en cause le fondement même de l'action en contrefaçon dans ce genre de cas. Le tribunal a retenu en effet la faute contractuelle. La différence est de taille : la faute contractuelle est constituée à un moment donné, dès lors que la partie victime en a connaissance. La contrefaçon est un délit continu. En retenant la faute contractuelle, le jugement a donc déclaré prescrites les demandes d'Oracle France et mal fondées les demandes d'Oracle Corp..

Certes, ce n'est là qu'un jugement de première instance. Un appel de l'éditeur est probable. Parions que l'affaire ira jusqu'en Cour de Cassation. Le fin mot de l'histoire ne sera donc pas connu avant quelques années. Mais plusieurs mauvaises pratiques de l'éditeur sont dénoncées par le tribunal.

Logiciels fournis = logiciels vendus

La première est le fait de fournir des logiciels à l'intégrateur, de constater que ces logiciels sont utilisés par le client final et, dans un second temps, de se plaindre de cet usage. En l'occurrence, l'AFPA a installé les modules Financials de Oracle Business Suite en y incluant les fonctions de gestion des achats, prévues dans le périmètre du projet objet de l'appel d'offre.

Or l'éditeur, qui a fourni le CD-ROM d'installation conçu spécifiquement, y avait placé les modules de gestion des achats. L'intégrateur a donc installé ce que l'éditeur lui a spécifiquement fourni pour ce projet précis en réponse à un appel d'offres également précis. Puis l'éditeur a repris la maintenance du produit à l'achèvement du projet. Le fait que l'offre Financials ne comprenne pas les modules de gestion des achats dans l'esprit d'Oracle a donc été écarté par le tribunal en s'appuyant sur la logique contractuelle, beaucoup plus contraignante pour les parties que celle de la propriété intellectuelle.

La mauvaise foi des audits punitifs

Par ailleurs, le tribunal a constaté que les audits étaient lancés et arrêtés au fil des opportunités commerciales potentiellement offertes par les marchés passés par l'AFPA. Faute d'un nouveau contrat, Oracle a donc achevé la procédure contentieuse en la menant jusqu'au tribunal. Bien mal lui en a pris. Au titre des frais de justice engagés par ses adversaires, l'affaire lui coûtera plus de 100 000 euros.

« Compte tenu de la complexité du sujet et des différents éléments à prendre en compte, un audit de licences se termine généralement par une négociation commerciale, la particularité du dossier AFPA étant que l'affaire est allée jusqu'au tribunal » constate Jean-Jacques Camps, président de l'AUFO (Association des Utilisateurs Francophones d'Oracle). Celui-ci ne peut évidemment pas commenter trop spécifiquement une affaire précise opposant l'éditeur et l'un de ses clients mais les audits et les négociations qui s'en suivent sont, comme il le constate, assez fréquents.

Le club des utilisateurs échange sur l'Asset Management et les audits de licences

Pour le président de l'AUFO, « le sujet des audits de licence préoccupe évidemment les membres ». L'association a donc créé un groupe de travail spécifique sur le sujet de l'asset management il y a maintenant deux ans. Ce groupe se réunit tous les deux mois en moyenne. Les membres y discutent de manière confidentielle dans la limite de leurs contrats respectifs, dans un objectif d'échanges et de bonnes pratiques.
L'éditeur y a été également invité pour présenter sa vision du sujet et permettre aux utilisateurs de mieux appréhender toutes les subtilités des métriques employées pour définir les coûts des licences. Différents intervenants spécialistes du sujet sont régulièrement invités à débattre avec les adhérents du club.

« Notre but est d'écrire un référentiel de bonnes pratiques » souligne Jean-Jacques Camps. L'AUFO mènerait alors un travail similaire à ce que l'USF avait réalisé il y a quelques années sur les relations entre l'autre grand éditeur mondial de PGI, SAP, et ses propres clients.