Kreditech, une société allemande fondée en 2012, utilise les profils de clients disponibles sur Facebook et d'autres réseaux sociaux pour calculer les risques de défaut de paiement et les capacités de remboursement lors de demandes de crédit à la consommation. Une autre jeune pousse, estonienne cette fois, Big Data Scoring travaille avec une équipe de scientifiques finlandais sur la réduction des risques lors du rachat de créances. Big Data Scoring utilise également les profils disponibles sur les réseaux sociaux pour alimenter son système de notation et sa grille de d'évaluation.

Aux États-Unis, la vénérable institution de rating FICO a semé le trouble après qu'un article du Wall Street Journal ait indiqué qu'elle envisageait d'utiliser un jour les profils Facebook de ses clients dans son processus de notation de crédit. Mais les deux start-ups présentes au Cebit expliquent sans ambages que beaucoup d'emprunteurs sont prêts à partager les informations disponibles dans leur profil numérique dans l'espoir d'obtenir un prêt bancaire.

Un accès aux informations numériques des emprunteurs


Comme pour les examens médicaux, les établissement financiers envisagent en effet de demander aux emprunteurs potentiels de partager leur profil Facebook lors de leur demande de prêt, afin de leur faire profiter de conditions plus favorables, a déclaré Juha Palomäki, le directeur technique de Big Data Scoring. Une fois que la start-up a l'autorisation d'accéder au profil de l'emprunteur, la start-up extrait les données liées à son métier et à sa formation du client - mais aussi à celles de ses amis - et se penche sur son activité numérique sur Facebook. « Nous ne recherchons pas les photos ou les messages rédigés par l'emprunteur, mais combien de commentaires il publie chaque jour sur Facebook », dit-il.

Les établissements de crédit collectent déjà des informations telles que le revenu annuel et l'état matrimonial de leurs clients, afin de les classer - quelquefois sans le dire officiellement - dans une bonne ou une mauvaise catégorie - « Avec les informations que nous fournissons, ils peuvent identifier plus de bons clients dans la zone grise, entre les deux catégories», a déclaré M. Palomäki. Pour établir son système de notation, Big Data Scoring analyse les informations de remboursement du client fournies par les établissements financiers, et alimente sa base de données avec les données numériques de l'emprunteur afin de vérifier si ses prédictions sur le risque de remboursement étaient correctes.

Big Brother au service du crédit à la consommation


Fonder les décisions de notation de crédit sur les profils de médias sociaux inquiètent déjà les associations de défense du consommateur, mais ce pourrait être un bonus pour certains. « C'est très intéressant parce que les agences de notation de crédit travaillent avec les antécédents de crédit, mais les jeunes ou les émigrants nouvellement arrivés dans un pays n'ont pas d'antécédents de crédit », a ajouté M. Palomäki. La volonté des emprunteurs de partager leur profil numérique risque de profondément modifier le marché du rating. En Amérique du Sud, près de 100% des emprunteurs sont prêts à le faire, dit-il  tandis qu'en Pologne, on est entre 30 et 50%. « Dans des pays comme l'Allemagne, ce chiffre est assez bas », dit-il. « Il varie aussi avec les incitations consenties par l'établissement prêteur ».

La jeune société de crédit Kreditech n'est pas cliente de Big Data Scoring. Elle a en effet développé son propre système de notation de crédit basé sur les profils disponibles sur les réseaux  sociaux. L'année dernière, elle a envisagé - et rejeté - l'idée d'offrir son système à d'autres prêteurs en marque blanche. La société est aujourd'hui entièrement focalisée sur l'octroi de prêts à court terme - jusqu'à 2 500 € -  à des taux oscillant entre 6 et 42 % d'intérêt, selon le directeur des relations publiques Laurent Schüller. Ce sont les montants réels d'intérêts payés, et non les taux annuels, qui peuvent être dans la fourchette la plus élevée. Le simulateur de crédit disponible sur le site mexicain de Kreditech, kredito24.mx, montre qu'un emprunt de 1 000 pesos sur un mois coûte 417 pesos, soit un taux annuel de 6,881%. Cela peut sembler de l'usure, mais sur le marché des prêts sur salaire ces taux sont fréquents. Kreditech prête aussi de l'argent en Pologne, en Espagne, en Russie et en République Tchèque, des régions où les méthodes intrusives de Big Dat Scoring ont reçu un bon accueil.

Jusqu'à 10 000 points de données exploités par Kreditech


Kreditech a déjà mis en place un modèle de calcul des risques lié à l'activité de l'emprunteur sur les réseaux sociaux. La société utilise aussi les profils disponibles sur les réseaux sociaux établis pour vérifier les informations que les emprunteurs déclarent sur leurs formulaires de demande. « Nous utilisons jusqu'à 10 000 points de données. Les agences de notation traditionnelles en utilisent seulement 5 à 12 », a déclaré Marie Laggner de Kreditech. La société de crédit se content pas de regarder Facebook : elle demande également aux demandeurs de prêts l'accès à leurs profils Amazon et eBay, ainsi que celui des réseaux sociaux populaires dans les pays où elle exerce ses activités. « Si quelqu'un prétend gagner 5 000 euros par mois, mais achète un livre sur Amazon sur la façon de faire face à des problèmes financiers, ce serait un signal d'alarme », a indiqué Mme Laggner.