Cent fois sur le métier le gouvernement remet son ouvrage. Nicolas Sarkozy avait promis qu'il irait jusqu'au bout du chantier Hadopi : la censure de la première version de la loi Hadopi par le Conseil constitutionnel le mois dernier n'a pas refroidi les ardeurs du chef de l'Etat, qui a mandaté les membres du gouvernement pour qu'un second texte soit finalement adopté. Les travaux ont donc repris, hier, au Sénat. Les locataires de la Chambre haute n'ont eu besoin que d'une poignée d'heures pour examiner et adopter le projet de loi dit Hadopi 2. Cette fois, ce n'est plus le ministère de la Culture qui présente le texte, mais la Chancellerie. Du reste, il n'est plus question, dans le titre même de la loi, de « favoriser la diffusion et la protection de la création sur Internet », comme l'indiquait la loi retoquée. Désormais, l'heure est à « la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet ». Le ton est donné et se retrouve dans les dispositions de la loi, qui n'hésite pas à prévoir de lourdes sanctions pour les internautes s'adonnant au téléchargement d'oeuvres sans en respecter le droit d'auteur. Alors que Hadopi I ne réprimait que le manquement à l'obligation de sécurisation de la connexion à Internet, Hadopi II vise également le délit de contrefaçon. La Haute autorité se chargera de scruter les réseaux d'échanges afin d'y repérer les contrevenants, qui seront avertis puis, en cas de récidive, désignés comme auteurs d'une infraction au juge judiciaire. C'est à ce dernier qu'incombera le soin de prononcer les sanctions à l'encontre des récalcitrants, qui pourront ainsi être condamnés à une suspension de leur abonnement à Internet pendant un an au maximum, une amende de 300 000 € et jusqu'à deux ans de prison. Soucieux de condamner promptement et de ne pas surcharger les prétoires, le législateur a prévu le recours aux ordonnances pénales, une procédure simplifiée permettant au juge de prononcer une sanction sans comparution du prévenu. Et qui amenuise par conséquent l'exercice des droits de la défense. Comme nous l'indiquions il y a quelques semaines, le recours aux ordonnances pénales requiert par ailleurs que la preuve de l'infraction ne souffre aucun doute, ce qui risque d'être délicat dans le cadre du délit de contrefaçon sur Internet, dont les seuls éléments probants seront ceux communiqués par l'Hadopi sur la base de constatations éventuellement effectuées par des agents privés. Il convient également de rappeler que les ordonnances pénales ne peuvent être appliquées aux mineurs et éteignent la possibilité, pour la victime de l'infraction considérée, de demander des dommages-intérêts. Les créateurs en seront donc pour leurs frais. Enfin, le législateur n'a pas oublié l'élément phare de la première mouture d'Hadopi : le manquement à l'obligation de sécurisation de la connexion à Internet. En l'espèce, l'infraction a été rebaptisée « négligence caractérisée » mais sanctionne, comme sa devancière, le fait pour un internaute d'avoir permis, même incidemment, à un tiers d'utiliser sa connexion pour télécharger illégalement. La négligence est qualifiée de caractérisée dès lors que l'internaute, averti par l'Hadopi de l'utilisation abusive de sa ligne, n'est pas parvenu à la sécuriser. C'est-à-dire, s'il n'a pas installé sur sa machine de logiciel de filtrage prévu par Hadopi I. Les auteurs de cette infraction encourront 1500 € d'amende et un mois de suspension de leur abonnement à Internet.