Dans sa plainte déposée devant la Court of Appeals for the Fourth Circuit - l'une des 13 cours d'appel fédérales américaines - le ministère de la Justice affirme qu'il voulait accéder aux informations d'un seul compte utilisateur anonyme (celui d'Edward Snowden en fait), pour, en particulier, voir les logs de connexion, la date, l'heure et la durée des échanges de mails. Le document juridique critique « les arguments mis en avant par Lavabit pour se soustraire à la demande », prétextant une action illégale du gouvernement. « Si, comme le craignait Lavabit, le gouvernement avait « fouillé » les comptes des autres utilisateurs sans autorisation, il aurait enfreint la loi », déclare le document du Ministère de la Justice. Pour justifier la fermeture de son service en août dernier, Lavabit avait indiqué qu'elle était sous le coup d'une action en justice dont elle ne pouvait révéler l'objet. Son fondateur, Ladar Levison, avait déclaré qu'il préférait fermer le service de messagerie sécurisé afin de ne pas se rendre « complice de crimes contre le peuple américain ». Le gouvernement avait précisé qu'il cherchait des renseignements sur des messages transmis par l'ancien consultant de la NSA, Edward Snowden, dont les révélations inondaient les journaux depuis le mois de juin, dont de nombreux documents sur les programmes de surveillance de l'Agence de sécurité nationale américaine. Le nom de l'utilisateur ciblé a été expurgé des dossiers de Lavabit. Mais, à partir du moment où le fournisseur de service a interjeté en appel une ordonnance d'un tribunal de district, le contenu des dossiers judiciaires a été rendu public. En octobre dernier, Ladar Levison a écrit sur Facebook que le gouvernement américain avait exigé l'accès à toutes les communications de l'utilisateur et avait demandé une copie des clés de chiffrement utilisées pour sécuriser le trafic Internet, les messages instantanés et les échanges de mails.

Lavabit, comme ses  concurrents, plie devant la Justice américaine

« De la même façon qu'une entreprise ne peut empêcher l'exécution d'un mandat de perquisition en fermant sa porte d'entrée, un fournisseur de messagerie ne peut pas empêcher une action de surveillance ordonnée par un tribunal en refusant de livrer les informations demandées, y compris les clés de chiffrement », fait valoir le ministère de la Justice dans sa plainte. « Le fait que d'autres informations non concernées par le mandat aient été chiffrées avec la même clé n'est pas un argument recevable », ajoute ministère de la Justice. Ladar Levison avait, à l'époque, mis en avant le fait qu'en livrant les clés de chiffrement, il exposerait les comptes d'autres utilisateurs à la surveillance du gouvernement. « Toutes les autres données auraient filtré par voie électronique, et personne ne les aurait vues », affirme la plainte du gouvernement. « Aucune requête mentionnée dans le mandat de perquisition n'obligeait Lavabit à fermer son service », estime le ministère de la Justice dans sa plainte. «  Le fournisseur n'aurait pas trompé les utilisateurs en respectant la loi ». Toujours selon la plainte, Lavabit avait informé publiquement ses utilisateurs qu'il se conformerait à la loi.

De son Lavabit a fait appel d'une ordonnance du juge Claude Hilton de la cour de justice du District Est de Virginie. Celui-ci n'avait pas reconnu à Lavabit le droit de s'opposer au mandat de perquisition. « Celui-ci avait ensuite infligé une amende de 5 000 dollars par jour à Lavabit, forçant finalement le fournisseur à livrer sa clé de chiffrement », a expliqué Ladar Levison. Le procès Lavabit fait suite aux révélations selon lesquelles la NSA aurait surveillé les citoyens américains à grande échelle, enregistré leurs communications téléphoniques et espionné les serveurs des grandes entreprises Internet pour avoir accès en temps réel au contenu des utilisateurs. Le gouvernement fait valoir que la livraison des clés de chiffrement avait été demandée en vertu des dispositions des lois «Pen Register» et «Trap and Trace» relatives à l'interception et au traçage des communications, obligeant Lavabit à fournir « toute information complémentaire, toute facilité et assistance technique, y compris pour l'installation et la mise en route » des appareils de surveillance adéquats.