Les ministères de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur veulent « repérer les leaders d'opinion » sur Internet. A cette fin, les deux institutions lancent un appel d'offres intitulé 'Veille de l'opinion'. La ou les entreprises retenues devront, pendant un an, scruter les canaux d'informations - « en particulier Internet », précise l'appel d'offres - afin de fournir aux ministres concernés des « informations signifiantes pertinentes qui préfigurent un débat, un 'risque d'opinion' potentiel, une crise ou tout temps fort à venir ». Ce marché, attribué actuellement à la société I&E -spécialisée dans les 'stratégies d'opinion' - vise notamment à « décrypter les sources de débats et leur mode de propagation », « anticiper les risques de contagion et de crise » et « analyser le potentiel d'influence et la capacité à se constituer en réseau » des leaders d'opinion et des « lanceurs d'alertes ». Le tout portant sur une multitude de sources : sites de syndicats, de partis politiques, d'associations, forums de discussion, blogs, pages personnelles, réseaux sociaux, plateformes vidéos, etc. Syndrome Big Brother ou simple revue de presse ? Les enseignants n'ont pas manqué de réagir à cet appel d'offres, qui par voie de blog, qui par communiqué, souvent en stigmatisant la volonté de surveillance générale qu'ils reprochent au gouvernement. « C'est dans la lignée d'Edvige et du fichier base-élèves, s'insurge Nestor Maquenot, instituteur et membre de SUD éducation Paris. C'est le symbole d'une société Big Brother dans laquelle on entre petit à petit. Certes, le fait que l'Etat nous surveille n'est pas une nouveauté. Ici, le problème c'est la privatisation et la marchandisation de cette surveillance, avec les risques de perméabilité qui en découlent. » Ces craintes n'émeuvent pas le ministère de l'Education, qui rappelle que la veille de l'opinion existe depuis 2006 et que « tous les grands ministères ont un service de veille ». Les services de Xavier Darcos se défendent de vouloir ficher les enseignants : « le travail réalisé par I&E n'est qu'une analyse qualitative, une sorte de revue de presse visant à savoir comment est perçue la politique du ministre. Il ne s'agit pas de récolter des données nominatives. » Si le ministère reconnaît que la dimension Internet peut inquiéter, il précise que « les blogs et forums sont des choses publiques : il n'y a rien de scandaleux à ce que le ministre y relève ce que pensent les gens qui dépendent de lui. »