LMI. Vous avez annoncé des changements dans l'attribution des noms de domaine géographiques. Quelles en sont les raisons, et quels sont les avantages spécifiques pour la France ? 

Kurtis Lindqvist. Je trouve cela intéressant, car beaucoup de villes et régions veulent se mettre en avant ou se promouvoir. Il y a de nombreuses raisons à cela, soit elles veulent l'utiliser pour leur propre usage interne, et alors c'est la même chose qu'un TLD [nom de domaine de premier niveau, ndlr] de marque pour se rendre plus visible, pour la sécurité, pour l'infrastructure. Ellles peuvent aussi l'utiliser, et beaucoup d'autres l'ont fait, pour mettre en avant des entreprises ou des organisations qui ont des liens très forts avec elles comme des musées, des entreprises locales quelles qu'elles soient. Il existe donc de nombreux cas d'utilisation des noms de domaine géographiques et très différents comme .Vienne à .Paris ou encore .Berlin.

Vous savez, c'est à chacun de décider ce qui lui convient le mieux. De nombreuses entreprises l'utilisent pour sécuriser leur propre infrastructure mais une ville pourrait aussi vouloir le faire. Il s'agit d'un cas d'utilisation particulier mais ce n'est pas le seul. Il peut aussi être un outil marketing pour mettre en avant des fonctionnalités que vous voulez utiliser. Des moteurs de recherche pourraient vouloir aussi utiliser cela comme support marketing pour attirer l'attention sur le lien entre certaines organisations et une ville, un pays ou une région. Il s'agit donc vraiment de promouvoir et de mettre en avant cela avec des cas d'usages très pratiques qui montrent comment ils peuvent être bénéfiques.

De nouvelles extensions seront créées l'année prochaine et cela faisait longtemps depuis 2012. Quelles opportunités cela crée-t-il ? 

C'est la cinquième ou sixième fois que cela se produit, après plusieurs cycles en 2000, 2008, 2010 notamment. Cela permet à de nouvelles marques qui n'en avaient pas eu d'en avoir. Cela leur offre donc une opportunité et offre aux consommateurs un choix plus large. Plus il y a de domaines de premier niveau, plus le choix des consommateurs est vaste. Vous pouvez créer de nouveaux modèles commerciaux autour de cela. Et nous en voyons beaucoup, allant des cryptomonnaies aux applications construites autour de ces domaines de premier niveau. C'est une vraie promesse et nous pouvons voir qu'avec elles un nouveau cycle s'ouvre. Nous nous attendons à ce que cela profite au plus grand nombre.

Nous assistons à l'adoption de l'IPv6. Considérez-vous que la France est en retard ou en phase avec les attentes ? 

Pour être honnête, je pense que le monde entier est à la traîne et que tout le monde peut faire plus. C'est difficile à dire, c'est un peu compliqué à évaluer pays par pays, mais de façon générale, je considère que nous devrions tous accélérer son adoption, car il améliore réellement l'expérience utilisateur. Il crée une infrastructure meilleure et plus résiliente. Je pense donc que tous les pays peuvent faire plus à cet égard. J'estime que le trafic mondial a désormais dépassé pour la première fois les 50 % en IPv6, mais il s'agit d'un protocole qui a commencé à être définit au début des années 90. Nous pouvons donc tous faire plus. 

Quelles sont les difficultés ? D'où viennent-elles ? Des opérateurs, des services réseau...

Il s'agit des applications, des services réseau, des fabricants de matériel... Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine. La majeure partie a déjà été accomplie. Je pense que c'est maintenant l'investissement nécessaire à son déploiement qui est assez important et le coût de mise en oeuvre, que ce soit dans les entreprises, chez les opérateurs télécoms, etc. Je pense que progressivement, nous constatons une lente augmentation, car les gens prennent le temps d'investir dans la mise en œuvre, mais cela a été le principal frein jusqu'à présent. 

Les domaines Internet de premier niveau ne sont plus tenus d'utiliser Whois, mais doivent désormais utiliser le serveur RDAP : comment se déroule la transition ? 

Whois était un protocole très ancien et à la fois un format de données et si vous voulez il n'offre pas ou très peu de protection des données et d'authentification de ceux qui demandent les données. La communauté a décidé de fixer une date d'expiration, qui était en janvier 2025, et cette date est arrivée. Nous l'avons donc supprimé conformément à la politique qui avait été élaborée. Le RDAP est un protocole plus moderne qui permet une interaction plus moderne avec l'ensemble de données, comme tous les protocoles intermédiaires. Il continuera d'évoluer et d'être développé à mesure que les exigences changeront. Mais ces exigences et le protocole lui-même sont développés par l'Internet Engineering Task Force qui le normalise et le développe au fur et à mesure que les besoins apparaissent.

Ils normalisent cela. Ils le développent au fur et à mesure que les besoins apparaissent, à mesure que les utilisateurs l'essaient, ils trouveront sûrement comment l'améliorer, comment le rendre meilleur, puis nous passerons par le processus de normalisation de l'IETF pour faire évoluer ce cas d'utilisation. Et c'est ce qui est actuellement en train de se passer. Je pense que ce que nous constatons, alors que nous nous posons tous la question de l'IPv6, c'est que toutes les nouvelles technologies ont besoin d'un certain temps pour mûrir, se développer et évoluer. À mesure que les gens utilisent les logiciels, nous verrons cette évolution se poursuivre à l'avenir. 

Vous avez été nommé CEO de l'Icann fin 2024. Comment vous en sortez-vous et collaborez-vous bien avec l'Afnic ? 

Je travaille en très bonne collaboration avec l'Afnic. En fait, je pense que nous entretenons d'excellentes relations avec toutes les communautés de pays et qu'elles font partie intégrante de la communauté Icann. Elles jouent un rôle très particulier au sein de l'Icann, et nous coopérons désormais très bien avec l'Afnic. Elles participent très activement à l'Icann, et nous les apprécions. Nous entretenons d'excellentes relations avec elles. C'est pourquoi je suis ici.