Pour l'éditeur de Visual Basic et de Visual Studio, la blague peut paraître un peu amère, mais les propres développeurs vétérans de Microsoft s'accordent pour plébisciter les bonnes vieilles méthodes. Une table ronde réunissant plusieurs grandes figures de l'éditeur lors de la dernière conférence développeurs de Microsoft à Los Angeles, censée être consacrée au futur du développement, a ainsi montré l'attachement des programmeurs aux fondamentaux, loin des environnements graphiques et autres outils d'aide à la productivité. « Je me battrais si vous essayiez de m'enlever mon éditeur de texte », a par exemple affirmé Don Box, ingénieur ayant participé à nombre d'importants travaux, comme COM, Soap, Windows Communication Foundation, ou encore Oslo aujourd'hui. « Les gens veulent-ils des outils visuels ? J'imagine que oui. Mais si vous avez appris à programmer comme moi, c'était en mode texte, et je crois que nous perdons cela à nos dépens. » Jeffrey Snover, créateur des outils de script PowerShell pour Windows, lui a fait écho : « Les environnements de programmation graphiques sont utilisables quand ils n'ont pas d'utilité, mais inutilisables lorsqu'ils seraient utiles. Quand il y a 5 choses sur l'écran, ça pourrait très bien être fait en texte. Mais quand il y a 500 choses, [la programmation visuelle] devient complètement inutilisable. On zoome, on dézoome, et on perd tout le contexte. » Bien sûr, ces vétérans reconnaissent aussi des qualités aux environnements graphiques, comme la simplicité d'apprentissage ou la productivité accrue des développeurs. Mais cela rend aussi plus simple de se fourvoyer, selon Butler Lampson (en photo), ingénieur de Microsoft Research, récipiendaire en 1992 du prix Turing de l'Association for Computing Machinery, pour sa contribution à la science informatique (membre fondateur du Xerox Parc, Butler Lampson a travaillé sur les premiers PC, imprimantes laser, réseaux Ethernet... et inventé plusieurs langages, dont Euclid). L'ingénieur cite ainsi en exemple la modélisation permise par la notation graphique UML : « Personne ne peut jamais vous dire ce que signifie tel diagramme UML. » Bientôt une interface pour écrire du code en dansant ? UML est pourtant au coeur de la prochaine version de l'environnement de développement de Microsoft, Visual Studio 2010 ; c'est grâce à ce langage que développeurs et architectes peuvent communiquer. De même, les langages de développement de Microsoft reposent maintenant sur le principe du 'code managé', les propriétés de base étant gérées par la plateforme CLR (Common language runtime). C'est normalement un gage de meilleure productivité et de davantage de sécurité. « Cela permet aux développeurs d'aller au-delà de leurs compétences, admet Jeffrey Snover. Le code managé, c'est un peu comme l'ABS sur les voitures. Avant, il fallait savoir rouler sur la glace, sinon c'était mort. Aujourd'hui, vous n'avez plus besoin de pomper sur les freins. » En plaisantant, l'ingénieur a estimé que la programmation devenait quelque chose de si abstrait que, bientôt, les développeurs pourraient utiliser les capteurs de mouvement que Microsoft conçoit dans le cadre de son projet Natal (pour sa console de salon Xbox) pour « écrire du code en dansant ». Néanmoins, l'écriture de code « à l'ancienne » pourrait bien revenir avec l'avènement du multicoeur et les limites de la loi de Moore. Pour Herb Sutter, responsable C++/CLI de Microsoft, le besoin d'optimisation contraindra à revenir à de la programmation de bas niveau, la piste de l'augmentation de fréquence des processeurs s'épuisant sérieusement. « On tiendra encore peut-être 5 ou 10 ans [avec la loi de Moore], mais l'optimisation va redevenir très, très sexy, quand on s'apercevra combien l'abstraction nous coûte cher. » De même, le domaine de la programmation parallèle pour les systèmes multicoeurs et hybrides n'en est qu'à ses balbutiements. Pour Burton Smith, expert en programmation parallèle de Microsoft, cela devrait requérir des compétences « à l'ancienne » pendant quelque temps : « A cause de notre habitude de la programmation séquentielle, on en sera encore à se réinventer [dans la programmation parallèle] d'ici une douzaine d'années. »