L'Union européenne, par la voix d'un comité chargé du respect des données personnelles, met en cause Swift (Society for Worldwilde Interbank Financial Telecommunication), une société belge spécialisée dans les échanges de données informatisées entre institutions financières internationales. Selon les représentants de Bruxelles, Swift aurait violé les dispositions normatives communautaires - et belges - sur la protection des données personnelles en fournissant confidentiellement certaines informations au Trésor américain. Cette mise en cause met une nouvelle fois en exergue - après les débats sur les transferts des données passagers - les crispations existant entre l'Europe et les Etats-Unis. Là où ces derniers entendent prendre toutes les mesures prétendument nécessaires à la lutte contre le terrorisme, les émissaires européens brandissent en bouclier le respect de la vie privée. C'est précisément cette dichotomie qu'on retrouve dans la bisbille entourant Swift. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Washington enjoint la société belge - qui gère plus de onze millions de transactions par jour pour près de 8000 banques dans 200 pays - à lui communiquer secrètement un certain nombre de données relatives à de potentiels terroristes. Une pratique qui soulève l'ire des représentants des 25 : "aucune mesure prise pour lutter contre le crime et le terrorisme ne pourrait et ne doit diminuer les standards de protection et les droits fondamentaux qui caractérisent les sociétés démocratiques", estiment-ils. De fait, en acceptant de fournir des données aux autorités américaines, Swift a violé la réglementation européenne. Celle-ci interdit en effet le transfert d'éléments personnels en dehors des 25 vers des pays offrant un moindre degré de protection des données. "Pas le choix", se défend Swift Swift se défend de toute malice en soulignant, par la voix de son porte-parole, que "les gens ont faussement compris que le gouvernement américain a accès à la totalité de notre trafic". Selon lui, les données communiquées ne concerneraient que quelques cas particuliers et seraient basées sur des requêtes judiciaires. Surtout, l'institution financière se défend d'avoir eu le moindre choix à faire, Washington la menaçant de sanctions pécuniaires en cas de refus. Des arguments qui n'émeuvent pas Bruxelles. Le comité chargé de la protection des données personnelles entend étendre le champ de ses investigations à l'ensemble des institutions financières du Vieux Continent. Il pourrait leur être reproché une responsabilité partagée en tant qu'utilisateurs des services de Swift. Bruxelles veut également faire la lumière sur le rôle joué par la Banque Centrale européenne. Son gouverneur, le français Jean-Claude Trichet, reconnaît ainsi avoir eu connaissance de l'existence des transferts de données. Mais il se défend d'avoir pu intervenir pour les empêcher. Conjointement, la BCE et Swift en appellent à l'ouverture de négociations américano-européennes pour trouver une issue légale au problème.