« C'est très dommage pour les consommateurs. Nous sommes très déçus », commente Nicolas Godfroy, responsable du département juridique de l'UFC-Que Choisir, au sujet du jugement rendu la semaine dernière par la cour d'appel de Paris. Dans le duel judiciaire qui opposait l'Union Fédérale des Consommateurs à Hewlett-Packard, la Cour a rejeté l'argumentation de l'association et arrêté le fait que la vente d'un OS et d'un PC n'était pas une pratique commerciale déloyale. Elle contredit ainsi l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles le 5 mai 2011 en faveur de l'UFC-Que Choisir. À noter que cette décision avait déjà été partiellement invalidée par la Cour de Cassation en juillet 2012.

L'association reprochait à HP d'obliger les consommateurs à acheter des ordinateurs pré-équipés de Windows et d'autres logiciels sans qu'ils puissent y renoncer et obtenir un remboursement. La Cour d'Appel de Paris a jugé que l'UFC-Que Choisir n'a pu apporter les preuves de ce qu'elle avançait, d'autant plus que le constructeur américain propose, par le biais de son site de vente en ligne aux professionnels, d'acheter des machines nues ou sous l'OS libre FreeDOS. « Elle a restreint le débat à une simple question de vente et ferme la porte à l'ouverture du marché des OS PC », déplore Nicolas Godfroy.

Une maladresse de l'UFC-Que choisir ?

Reste que pour certains, l'issue du jugement aurait pu, et même dû, être tout autre. Pour Frédéric Couchet, Délégué Général de l'April (Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre), « l'association aurait dû attaquer sur la notion de vente forcée en plus de la notion de ventes liées. Cela aurait semblé plus judicieux car HP n'aurait pas pu arguer que le consommateur a le choix d'opter pour un PC nu ou embarquant un autre OS. » Il est d'ailleurs rejoint sur ce point par Me Frédéric Cuif, avocat spécialisé dans ce genre d'affaires. « Après la décision de la Cour de Cassation du 12 juillet 2012, l'UFC aurait pu changer le fondement juridique de ses demandes ».

Pour Frédéric Cuif, l'association de consommateurs n'est pas la seule à blâmer. La cour d'appel de Paris aurait, selon lui, également péché sur de nombreux points. « Elle a souligné que l'UFC-Que Choisir n'avait pas été en mesure d'apporter la preuve de l'absence d'information sur le caractère pré-installé de Windows sur les ordinateurs HP. Or, d'après la directive européenne du 11 mai 2005 sur la consommation, il n'appartient pas au consommateur de rapporter cette preuve mais au professionnes de prouver que sa pratique n'est pas déloyale en justifiant avoir fourni l'information essentielle », explique-t-il. L'avocat rejoint également Nicolas Godfroy sur le fait que la cour d'appel n'a pas répondu correctement au problème posé dans cette affaire : « La question n'est pas de savoir si Windows est oui ou non lié à la machine, mais surtout de savoir quel est son prix et combien il est revendu TTC au consommateur. Une information que les revendeurs OEM se gardent bien de diffuser ». En ne tenant pas compte de cette donnée, la cour d'appel de Paris va clairement à l'encontre de la décision de la cour de Cassation qui, dans un arrêt du 6 octobre 2011, avait jugé que le prix des logiciels pré-installés était une information substantielle dont le consommateur avait besoin pour prendre une décision en connaissance de cause. La décision pourra à nouveau être portée en cassation par l'UFC. Pour l'heure, l'association de consommateurs n'a pas encore pris de décision.