L'eye tracking est une des techniques d'analyse d'efficacité de la publicité les plus courantes et efficaces. Elle « observe » le parcours des yeux d'un individu sur une page web ou une affiche, par exemple, pour savoir ce qu'il regarde réellement dans l'annonce, quand, comment, combien de temps, dans quel ordre... et non ce qu'il dit regarder. Les résultats sont très riches en enseignements pour les annonceurs. Mais la méthode exige de mobiliser un panel de consommateurs devant un écran, ce qui la rend lourde et onéreuse à mettre en oeuvre. Qui plus est, elle est très difficile à faire passer à l'échelle.

Le géant de la publicité urbaine JCDecaux a trouvé une solution pour exploiter cette démarche pour ses clients dans des conditions plus efficaces et rentables. Le secret ? Simuler un eye tracking grâce à l'IA. L'équipe data de l'entreprise a raconté cet étonnant projet à l'occasion de la conférence Big Data & IA à Paris, le 25 septembre.

Des réseaux de neurones convolutifs

Le principe de base de l'approche JCDecaux consiste à appliquer un modèle de machine learning sur un corpus d'études d'eye tracking existantes, puis à fournir les informations qui en découlent aux créatifs pour obtenir une prévision de l'attention typique sur un visuel donné. JCDecaux a d'abord ingéré de très nombreux résultats d'études d'eye tracking existantes. Le modèle comprend une cartographie Xmap, qui représente les points saillants du visuel en tant que tel, et ceux de ce même visuel dans l'environnement où il sera vu. Il réalise également un séquençage pour repérer où peut se porter le regard. Le modèle d'IA utilisé sur ces éléments est un réseau de neurones convolutifs, une technologie de deep learning spécialisée dans l'identification et le classement d'images, ainsi que de la computer vision.

« Le bénéfice potentiel est gigantesque, estime Victor Azria, directeur global data, qui gère une trentaine de datascientists, développeurs data, etc. au sein de la cellule Datacorp de JCDecaux créée il y a 4 ans. Cela nous évite de dépenser des dizaines de milliers d'euros dans des études avec des panels réels, en les remplaçant par une IA. » Le ROI est déjà imposant. « Il suffit désormais d'environ une minute pour un eye tracking, précise Victor Azria, contre plusieurs semaines en réel ! »

Les métiers restent à la manoeuvre

Comme toujours avec l'IA, les métiers restent néanmoins essentiels pour le contrôle et l'adaptation des résultats. Comme le confirme Isaline Duminil, directrice data global account : « le travail d'interprétation d'une séquence, c'est le travail de l'équipe métier. » Outre le faible coût de ce processus automatisé par rapport à une étude sur panel, Victor Azria précise que les coûts d'exploitation et de maintenance de l'infrastructure restent eux-aussi très faibles. « Tout tourne sous AWS, explique-t-il. Et si on a besoin d'un peu plus de puissance, on lance simplement d'autres instances Lambda. »

Si son coût est réduit, le projet n'en est pas moins d'envergure. La modélisation de la carte de chaleur de l'attention sur un visuel publicitaire a, par exemple, demandé 6 mois de recherche. « Nous avons démarré le travail avec des recherches de l'université d'Oxford, et nous avons complété avec d'autres recherches menées à l'université de Milan, sur des cas d'usage différents. Aujourd'hui, nous disposons d'un algorithme personnalisé, alimenté par des recherches externes et mis à disposition des équipes business pour développer des études ad hoc. »