Parmi les applications livrées avec « Paris », dernière version du code de ServiceNow, certaines doivent permettre aux banques d’émettre des cartes de crédit et aux opérateurs de télécommunications de gérer les services et les performances du réseau. A eux seuls, ces deux ajouts témoignent de la volonté de ServiceNow de proposer des solutions de gestion des flux de travail dans toute l'entreprise, et pas seulement au niveau de l’IT. La gestion des services IT (ITSM) n'était qu’une des nombreuses applications que le fondateur de ServiceNow prévoyait de faire tourner sur la plateforme de gestion des services d'entreprise (ESM) qu'il a construite. Mais depuis plusieurs années, c'est dans l’ITSM que l’entreprise a le plus développé son activité. Cependant, avec cette dernière mise à jour logicielle, les ambitions de ServiceNow pour l’entreprise se précisent. « Chaque jour, dans tous les secteurs d'activité à travers le monde, nous créons pour l’expérience des employés, l'expérience des clients et des expériences low-code et no-code », a déclaré Bill McDermott, le CEO de ServiceNow. Avant même sa nomination à la tête de l’entreprise, l’an dernier, ServiceNow n'avait cessé d'acquérir des technologies pour étendre sa plate-forme et créer de nouvelles applications pour attirer les utilisateurs à tous les niveaux de l'entreprise.

Mais comme l’explique Charles Betz, analyste principal de Forrester, spécialisé dans l'infrastructure et les opérations, qui surveille de près les fournisseurs ITSM, ses concurrents poursuivent une stratégie similaire. « ServiceNow n’est pas le seul sur ce marché. Tous les fournisseurs ITSM traditionnels disent que les clients demandent de plus en plus des solutions permettant de répondre à une grande variété de problèmes », a-t-il déclaré. « Pendant longtemps, ces fournisseurs n’ont pas su quoi proposer aux clients qui manipulaient leurs systèmes pour les utiliser à des fins non IT ». Mais aujourd'hui, poussés par cette demande des clients, de nombreux fournisseurs ont élargi leur marketing (et peut-être leur code) pour répondre à ces nouveaux usages, en transformant leurs plates-formes ITSM en outils de gestion des services d'entreprise (ESM). « De mon point de vue, il s'agit d'une tendance très organique, axée sur le client », a ajouté M. Betz. Chez ServiceNow, cela se traduit par l’ajout de fonctionnalités et intégrations dans la version « Paris » de Now Platform, qui s'appuie déjà sur les nouvelles fonctionnalités d'intelligence artificielle, d'analyse et de mobilité de la version précédente, « Orlando » livrée en mars dernier.

Des applications, et encore des applications

La dernière offre de ServiceNow comporte des applications pour l'automatisation des flux de travail : trois d’entre elles pourraient s’avérer utiles dans les services partagés de toute entreprise comme les RH, la finance, l’équipement ou le juridique, et trois autres témoignent de la volonté de ServiceNow d'adapter les services aux principaux secteurs industriels verticaux. Parmi les applications d'intérêt général, on trouve l’application de prestation de services juridiques Legal Service Delivery. Celle-ci pourrait permettre aux départements juridiques d’effectuer des tâches telles comme l'examen et l'approbation de contrats en évitant une cascade de courrier électronique. S’ajoutent à cela deux autres applications ciblant l'équipe IT qui pourraient s’avérer de plus en plus utiles à mesure que les entreprises s'adapteront au nouveau contexte créé par la pandémie de Covid-19. Il s’agit plus précisément d’une application de gestion de la continuité des activités Business Continuity Management : elle permet d'analyser l'impact des activités, fournit une aide à la gestion des crises et soutient l'élaboration de plans de continuité des activités, des aspects que beaucoup d'entreprises doivent revoir. L'autre application de gestion des actifs matériels Hardware Asset Management de ServiceNow n'est pas la seule disponible de ce genre sur le marché, mais grâce à Now Platform, elle peut communiquer avec le programme d'intégration des RH ou le processus d'approbation des achats.

Concernant les banques de détail, l’application de gestion des opérations des services financiers Financial Services Operations peut leur permettre de digitaliser les flux de travail pour les demandes et les paiements par carte de crédit, tandis que les applications de gestion des services de télécommunications Telecommunications Service Management et de gestion des performances du réseau de télécommunications Telecommunications Network Performance Management leur permettront de simplifier d'une part les services en libre-service pour les clients et d'autre part, à identifier les clients affectés par des problèmes de réseau et à les résoudre.

Un virage initié par Bill McDermott ?

Ces initiatives soulèvent la question suivante : jusqu'où ServiceNow va-t-il aller maintenant que l'ancien CEO de SAP, M. McDermott, est à la tête de l'entreprise ? Selon Larry Carvalho, directeur de recherche chez IDC, qui couvre la plate-forme en tant que service, les fournisseurs d'ERP comme SAP n'ont pas trop à craindre de ServiceNow : « SAP et ServiceNow offrent des avantages différents aux clients », a-t-il déclaré. Mais l’analyste de Forrester, Charles Betz n'en est pas aussi sûr. « Il est clair que ServiceNow n’a pas l'intention de devenir un jour un système d'enregistrement de type ERP », a-t-il estimé. « Cependant, son projet d’offrir un framework omniprésent qui sert d'intermédiaire entre ces systèmes pourrait susciter des inquiétudes chez les fournisseurs d'ERP ».

Règles d'engagement

Dans ce scénario, ServiceNow deviendrait le système clé de l'engagement, les fournisseurs d'ERP risquant d'être relégués à gérer des flux de travail uniquement dans leurs propres silos. La manière dont ce scénario se concrétisera dans l'entreprise dépendra des décisions que prendront les DSI à mesure que les technologies de workflow gagneront en maturité. « Les fournisseurs de BPM n'ont jamais tenu leurs promesses initiales et une grande partie des flux de travail reste gérée par des moyens ad hoc comme les boîtes de courrier électronique partagées et les vestiges des groupwares du début des années 2000 », a encore expliqué M. Betz. « C'est l'espace de marché dans lequel ServiceNow et ses pairs évoluent, poussés par la nécessité pour les travailleurs du savoir d'accéder à la gamme complète de services d'entreprise dont ils ont besoin pour créer de nouveaux produits numériques convaincants et les diffuser ».

ServiceNow est loin d'être la seule entreprise à cibler cet espace. Il existe des plates-formes de gestion du travail spécialisées et une foule d'outils à low-code ou no-code - dont certains développés par d'anciens fournisseurs de BPM. Mais, selon Larry Carvalho d'IDC, les principaux concurrents sont Power Platform de Microsoft et Force.com de Salesforce. Dans les entreprises qui utilisent deux ou plusieurs de ces outils, la question de savoir lesquels fonctionnent l'un au-dessus de l'autre risque d'être très débattue. Larry Carvalho souligne quelques avantages de ServiceNow dans cette bataille à venir : ServiceNow offre un moteur d'application avec des services d'apprentissage machine pour exécuter les tâches, un IntegrationHub pour accueillir d'autres logiciels SaaS, et un modèle de données commun que d'autres applications utilisent pour communiquer sous la forme de la base de données de gestion des configurations Configuration Management Database (CMDB). « Ce qu’il y a d’unique chez ServiceNow, c'est que les composants techniques de la plate-forme sont alignés sur des cas d’usage métiers avec des stratégies no-code, ce qui permet aux services IT faire profiter facilement les utilisateurs professionnels des avantages », a expliqué M. Carvalho. « Les DSI apprécieront cette facilité d’usage qui permet à l’IT de délivrer rapidement de la valeur métier aux utilisateurs ».

« Paris » s'appuie sur Now

En plus de ces six applications, la version « Paris », s'appuie sur les capacités de Now Platform. Le nouveau concepteur d'automatisation des processus Process Automation Designer permet aux propriétaires de processus métiers de décrire et de gérer les workflows sans codage, en identifiant les étapes prêtes pour l'automatisation, et le Predictive Intelligence Workbench qui leur permet d'utiliser l'apprentissage machine pour automatiser les tâches. Selon ServiceNow, l'acquisition de Sweagle en juin dernier lui a permis d'ajouter une vue globale - technologie, personnes et processus - orientée service à la base de données de gestion des configurations CMDB grâce à ce qu'elle appelle le Service Graph. A signaler aussi le Service Graph Connector Program, une nouvelle désignation pour les partenaires logiciels, dont AppDynamics, Crowdstrike, Dynatrace et Solarwinds, qui utiliseront le Service Graph pour faciliter l'intégration et l'organisation des données de leurs clients communs sur une seule plate-forme. Selon Paul Smith, directeur général Europe de l’entreprise, plus de 1 500 clients de ServiceNow ont eu un accès preview à la nouvelle version au cours des 45 derniers jours. L’ensemble de l’offre est disponible depuis hier.