Dans un des chapitres de « L'avènement des machines », qui vient de paraître en français chez Fyp Editions, l'auteur Martin Ford rapporte un dialogue (sans doute légendaire) entre un patron d'industrie automobile et un leader syndicaliste passant devant une chaîne venant d'être automatisée. Et le patron de railler le syndicaliste sur son incapacité à syndiquer des robots, le syndicaliste rétorquant que le patron est incapable de vendre des automobiles aux robots. L'anecdote est amusante mais résume bien le propos général du livre. Celui-ci a cumulé les distinctions aux Etats-Unis : Best-seller du New York Times, lauréat du prix « Business Book of the Year » Financial Times-McKinsey, « Top Business Book » du magazine Forbes...

Le titre original, « Rise of the Robots », fait penser à « Rise of the Machines », le sous-titre du film Terminator 3. C'est probablement volontaire de la part de l'auteur. Car les machines, au sens le plus large, font peur. Du robot à l'intelligence artificielle, les machines rendent le travail humain -même très qualifié- souvent obsolète. Vient alors le drame de la crise économique : si les humains sont privés de revenus, alors ils n'ont plus de pouvoir d'achat. Qu'ils meurent de faim laisse indifférent les économistes mais qu'ils n'achètent plus de nourriture, voilà le drame.

Obsolescence du travail humain... et de l'humanité ?

Dans son ouvrage, Martin Ford analyse en détail le phénomène en s'appuyant non seulement sur de nombreux exemples, mais aussi sur des travaux de nombreux économistes. Il l'examine sur toutes ses facettes et le justifie. Oui, objectivement, le travail des machines rend le travail humain obsolète dans le sens où une machine travaille mieux, plus vite et moins cher, que ce soit dans le monde physique ou celui des données, l'un nourrissant l'autre. Au delà du problème économique se pose celui du devenir de l'homme, de plus en plus habitué à se reposer sur des machines plutôt que sur ses compétences (on aura bientôt tous besoin d'un GPS pour aller de sa chambre à sa cuisine) avec les conséquences sur l'appétence à l'acquisition de compétences. La problématique n'est pas neuve, ce qui fait l'intérêt de l'ouvrage est sa complétude.

Au final, dans les derniers chapitres, l'auteur brosse rapidement un début de solution construite autour du revenu de base universel. Et c'est là que le bât blesse car son étude, centrée sur le seul cas des très libéraux Etats-Unis, est bien légère. Et, en gros, il se contente de justifier et de démontrer la pertinence de ce qui existe en Europe depuis des années en matière de politique sociale. Aux Etats-Unis, pays d'origine de l'auteur et du livre, c'est sans doute nécessaire. Mais il reste donc à écrire un livre pour définir ce qu'il faut vraiment faire maintenant pour résoudre tous les problèmes clairement identifiés par Martin Ford. Voilà donc une intéressante lecture en sortant de ses vacances d'été, pour se remettre au travail, pendant qu'on en a encore.