Pierre Bonelli, PDG de Bull, a dévoilé jeudi 20 novembre son plan de recapitalisation du constructeur, à l'issue d'un Conseil d'Administration. L'objectif est d'apurer le bilan de l'entreprise, en passant les fonds propres d'une valeur négative de 726 millions d'euros au « minimum légal » (sic). L'application de ce x-ième plan de la dernière chance suppose au minimum son acceptation dans les assemblées générales des actionnaires et des porteurs d'obligations Océane ainsi que l'accord de la Commission Européenne.

Comme attendu, les créanciers du groupe sont sacrifiés, qu'il s'agisse de l'Etat (pour 490 millions d'euros, intérêts compris) comme des porteurs d'obligations Océane (pour 204 millions d'euros). En effet, la valeur des dettes devrait, par un mécanisme de report et de correction du taux d'intérêt, perdre environ 90% de leurs valeurs. Les actionnaires se serreront également la ceinture : la valeur nominale des actions actuelles passera de 2 euros à 1 centime d'euro, préparant de fait leur dilution.

Après la réduction des dettes, Bull sera en effet recapitalisé. En échange de leur sacrifice sur les taux et la durée d'emprunt, les porteurs d'Océane se verront proposer la transformation de leurs obligations en actions. Enfin, une augmentation de capital en numéraire d'un montant de 30 à 50 millions d'euros achèvera la restructuration du bilan du constructeur. Les 350 plus hauts cadres du groupe sont d'ores et déjà appelés à contribuer au plan de sauvetage en apportant six millions d'euros à cette augmentation de capital. Le solde sera proposé au marché, et la couverture de l'offre, en cas de non-placement des actions nouvelles, garantie par NEC, France Télécom (à hauteur de 7,5 millions d'euros chacun), Axa Private Equity (7 millions d'euros), Debeka (un important groupe de retraite allemand, client historique de Bull, à hauteur de 3 millions d'euros) et Groupe Artemis (la holding de François Pinault, pour 2 millions d'euros).

L'actionnariat flottant passerait ainsi de 28% à une fourchette de 44,5 à 58,5%, parts de l'Etat, de Motorola, de Dai Nippon Printing et des anciens porteurs d'Océane incluses. NEC posséderait entre 11 et 15% (contre 17% aujourd'hui), les deux clients-actionnaires du groupe (France Télécom et Debeka) entre 14 et 19% à eux deux (contre 17% pour le seul France Télécom), les fonds d'investissement de 10 à 13% et le management de Bull de 6,5 à 8,5% (contre aucune part aujourd'hui).

Tilman Lueder, porte-parole du commissaire européen à la concurrence, a confirmé à l'AFP que la Commission poursuivrait le dialogue avec Paris mais qu'elle avait saisi la justice communautaire de ce dossier. Le non-remboursement de fait du prêt d'Etat est en effet une infraction au droit européen.

Il faudra également que Pierre Bonelli arrive à convaincre les porteurs d'obligations Océane.

Le PDG joue clairement sur le manque d'alternative acceptable à son plan. Le groupe d'investisseurs américains Gores Technologies avait proposé une prise de contrôle de Bull pour 74 millions d'euros mais les entorses aux principes n'en auraient été que pires. Enfin, dernière solution, le dépôt de bilan, déboucherait certainement sur la disparition pure et simple du dernier constructeur informatique européen, avec le problème de la maintenance d'un parc de machines présent dans bon nombre de grandes entreprises et d'administrations en Europe.