La crise sanitaire du Covid-19 se double de multiples autres crises induites dont une crise sociale et économique. Une victime collatérale de ce virus pourrait ainsi être la transformation numérique des entreprises, ce qui aurait bien sûr un impact catastrophique sur leur performance. Quatre organisations lancent donc un « Pacte pour le Numérique ». Il s'agit du Cigref, l'association des grands comptes français, le Syntec Numérique (syndicat des ESN), le Syntec Conseil (syndicat des sociétés de conseil) et Tech In France (syndicat des éditeurs de logiciels). Ce pacte est à considérer dans la foulée de l'appel réalisé en Mars 2020 par le Cigref et le Syntec. Il a été signé par Bernard Duverneuil (Président du Cigref), Godefroy de Bentzmann (Président de Syntec Numérique), Matthieu Courtecuisse (Président de Syntec Conseil) et Pierre-Marie Lehucher (Président de Tech In France).

Pour introduire les sept propositions des signataires (voir encadré), le texte du pacte dresse un bilan déprimant de la situation : « Le cap des 11 millions de salariés en activité partielle a été franchi, le régime de l'assurance chômage enregistre désormais une dette de plus de 42 milliards d'euros, le déficit public se creuse à environ 9 % du PIB et la dette à 115 % du PIB. » En France, le numérique représente 10 % du PIB et les 152 grands comptes membres du Cigref dépensent en numérique chaque année 50 milliards d'euros. Mais quatre fournisseurs sur cinq anticipent une baisse d'au moins un quart de leur chiffre d'affaires en 2020. C'était pour contrer cet effondrement, potentiellement mortel pour les fournisseurs les plus fragiles, que le précédent appel avait été lancé.

Le numérique, condition de la reprise

Pour les signataires, « le numérique sera nécessairement l'un des facteurs essentiels de la reprise de l'activité ». Et il accompagnera bien sûr la transformation qui ne pourra qu'être associée, comme le développement évident (enfin !) du télétravail en France. « Chacune de nos organisations, suivant sa culture propre et sa sensibilité, a exprimé son ambition de construire, pour la décennie qui vient, un numérique durable, responsable et de confiance » est-il ainsi noté dans le pacte. Même si les scénarios de sortie de crise sont multiples et que nul ne sait si les optimistes ou les pessimistes auront finalement raison. Pour les signataires, « le numérique doit être identifié comme secteur d'activité prioritaire et stratégique. » Il sera en effet un facilitateur du fameux « monde d'après » dont il convient d'accoucher, même si les forceps risquent d'être nécessaires.

Autant le précédent appel s'adressait aux entreprises, utilisatrices ou fournisseurs d'IT, autant ce pacte est lui surtout destiné au gouvernement. La première mesure proposée consiste d'ailleurs à mieux coordonner les multiples initiatives prises par l'État en créant une autorité interministérielle de coordination. On retrouve dans le pacte également de vieilles revendications des SSII et éditeurs de logiciels, rhabillées pour l'occasion à la sauce Covid-19 comme la possibilité d'amortir plus rapidement les investissements numériques ou d'intégrer les dépenses à un crédit d'impôt. Depuis vingt ans, tous les ministres interpellés ayant sèchement refusé de dénaturer le Crédit d'Impôt Recherche en y intégrant les factures des SSII, la demande revient ici sous la forme d'un « crédit d'impôt pour la transformation numérique ».

Investir pour le monde d'après

Le thème de l'année du Cigref, la « sobriété numérique », qui va de pair avec la responsabilité sociétale et environnementale, est aussi intégré sous la forme d'un appel à mener des investissements soutenus par les pouvoirs publics « en fonction de critères d'indépendance stratégique, de sobriété numérique, de résilience et de protection. » L'indépendance industrielle du pays, dont le défaut a été souligné aussi bien pour la fabrication de masques que de tests de détection virale, concerne bien sûr le pays et est l'objet d'une proposition autonome.

« Le monde d'après » sera aussi celui des jeunes diplômés dont les signataires veulent assurer l'intégration professionnelle. Enfin, il faut accompagner l'évolution du travail, qu'il s'agisse d'avoir une cohérence européenne sur l'activité partielle comme de mettre en oeuvre le télétravail mais aussi de permettre toutes les nouvelles formes d'emploi, différentes du salariat classique, et qui répondent à une demande forte des jeunes générations.