Le XXIe siècle ne vous gouvernera pas, il vous programmera. Cette affirmation ouvre l’essai d’Asma Mhalla, qui, dans « Cyberpunk, le nouveau système totalitaire », décrit la bascule vers un pouvoir bicéphale où l’activisme de certains géants IT s’imbrique dans l’autoritarisme politique. S’appuyant sur l’actualité américaine, elle montre comment l’alliance entre des entrepreneurs de la Silicon Valley et des figures de la nouvelle droite radicale, obsédés par l’ordre et la disruption, impose une « dystopie cyberpunk » désormais omniprésente, faite d’algorithmes, de flux, de surveillance et de manipulation cognitive.
Les événements politiques de 2024-2025 aux États-Unis servent de laboratoire à ce phénomène inédit : Elon Musk ou Peter Thiel,, des soutiens de Donald Trump, « accélère la brutalisation des imaginaires » et contribue à la montée d’une idéologie technofasciste. A. Mhalla décrit une configuration où Big Tech et Big State se fondent, abolissant la frontière entre le pouvoir politique démocratique et celui des plateformes technologiques. Au cœur du livre, l’autrice met en garde : « Lorsque quelques technologues aux sympathies profondément antidémocratiques s’insèrent dans le jeu démocratique, quand ils ne dépendent d’aucune élection, d’aucune légitimité populaire, quand ils sont pourtant les nouveaux piliers de notre système économique, géopolitique, social, cela n’annonce pas l’éventualité d’une menace, c’est déjà un problème. Leur puissance débridée nous échappe ».
Cette configuration autoritaire, portée par un discours ultra-libéral et réactionnaire, se double d’une lutte idéologique acharnée contre les fondements de la démocratie. « L’alliance entre une frange techno-réactionnaire et un milliardaire démagogue et autoritaire dessine l’ombre d’un technofascisme possible du XXIe siècle », estime A. Mhalla, tout en pointant ses effets corrosifs sur l’Europe et la France, prises dans « une atmosphère oppressante où nous savons bien que nous sommes les contemporains malheureux de quelque chose qui pourrait finir par nous avaler ». Sans céder au pessimisme, « Cyberpunk » invite à nommer et déconstruire ce récit, afin de préserver une société où la dignité prime sur la programmation algorithmique, et où la question du pouvoir reste ouverte.

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