Situation étrange dans une grande entreprise d'investissement new-yorkaise très connue : agacés par les problèmes de performance et de protection de la vie privée de leur terminal mobile, de nombreux salariés se révoltent contre la solution Bring Your Own Device (Byod) choisie par l'entreprise, et réclament à leur employeur de revenir au bon vieux Blackberry. « C'est un cauchemar », a déclaré un responsable informatique qui a demandé l'anonymat. Celui-ci raconte qu'il a essayé quatre produits dédiés à la gestion des terminaux mobiles (MDM) et, quelle que soit la solution, il a eu des problèmes importants. « Des insuffisances dans l'architecture rendent les déploiements difficiles », a-t-il déclaré. L'une des solutions MDM affichait un impressionnant système conteneurisé, mais aucune possibilité pour envoyer des notifications push par mails. Une autre empêchait les vendeurs d'envoyer un courriel à l'intérieur de l'application Salesforce ou d'ouvrir un fichier PDF avec GoodReader.

« L'échec de ces solutions tient à de petites choses insupportables pour les utilisateurs », a encore déclaré le responsable informatique. « Nous sommes une entreprise d'investissement qui emploie plusieurs centaines de personnes. Toutes sont très intelligentes, toutes sont très importantes, et il est très difficile de les satisfaire », reconnaît-il aussi. Et puis, il y a ce problème d'autonomie des batteries, car le MDM épuise l'énergie des téléphones et des tablettes. Certaines applications vident la batterie en quelques heures. « L'une des solutions MDM faisait des requêtes permanentes au serveur comme dans une attaque par déni de service et vidait la batterie des terminaux Android. Il a donc fallu la supprimer », raconte encore le responsable IT.

L'enjeu de la confidentialité des données privées

Mais le plus grand défi du Byod se joue sur la confidentialité des données privées, ou plutôt l'absence de confidentialité. Afin de protéger les données de l'entreprise, la DSI a dû adopter des politiques qui privilégient les droits de l'entreprise, contrariant quelque peu les attentes des salariés. Le service informatique a également limité l'utilisation de certaines applications comme la messagerie instantanée, car toutes les communications entre les employés et les clients doivent être conservées et l'historique des messages textes n'est pas facile à récupérer. En outre, une seule solution MDM était capable d'informer le salarié que l'administrateur IT activait les services de localisation ou qu'il faisait l'inventaire des applications sur son terminal. L'employé pouvait voir ce qui se passait mais ne pouvait pas refuser l'accessibilité.

Avec les solutions d'autres fournisseurs, l'administrateur informatique pouvait agir à l'insu de l'utilisateur. « Ce genre de situations rend les relations parfois difficiles entre l'IT et les utilisateurs », explique le responsable informatique. « Nous sommes devenus Big Brother. Tout le monde était convaincu que tout était fait pour surveiller les salariés. En réalité, il ne s'agissait que de protection des données ». Les salariés ne veulent pas que l'entreprise puisse les localiser quand ils sont en déplacement, en particulier pendant les voyages internationaux, et ils ont pris leurs propres mesures. Beaucoup emportent deux smartphones, un personnel et un professionnel, et quand ils sortent, ils laissent le téléphone de l'entreprise à la maison ou dans la chambre d'hôtel. « Environ 60 % de nos salariés nous ont demandé de revenir au Blackberry, quitte à avoir deux appareils », explique le responsable informatique. « Nous avons été très surpris par les réactions suscitées par la question de la confidentialité ». Beaucoup de cadres sont ainsi attachés au clavier de leur Blackberry ce que le constructeur dans la tourmente semble avoir compris avec la sortie prochaine du classic. Attendu en novembre prochain, avec le Passeport et les successeurs des Z10 et Z30, le terminal Q20 (voir illustration principale) reprend en effet le design démodé des bons vieux modèles de Rim. Mais avec un écran tactile de 3,5 pouces et un OS un peu plus moderne.

Quand l'iPhone devient un outil d'espionnage

Avec le recul, le responsable de l'informatique comprend mieux l'émotion autour de la confidentialité des données privées. Le problème tient au fait que les iPhone sont des terminaux conçus à l'origine pour le grand public. « L'iPhone a été pensé pour l'utilisateur et pas pour l'administrateur IT. Alors, quand un administrateur entre dans un terminal, il a accès à tout. « On peut vraiment accéder à un grand nombre de fonctions sur les terminaux d'Apple, par exemple activer l'appareil photo ou le microphone et écouter les conversations. C'est parfois même assez inquiétant », raconte le responsable informatique.