« Comment peut-on faire confiance à une entreprise publique qui consacre une partie de ses ressources à faire espionner ses détracteurs par des barbouzes ? » La question, posée par Pascal Husting, le président de Greenpeace, met en lumière l'embarrassante situation dans laquelle se trouve EDF depuis les révélations des opérations d'espionnage qui auraient été mises en place contre l'association écologiste. L'affaire serait même plus grave que ne le laissaient supposer les premiers éléments. Selon les informations relayées par nos confrères de Mediapart, la surveillance de Greenpeace aurait débuté dès 2004, et non deux ans plus tard. EDF aurait, par l'intermédiaire de deux responsables de sa sécurité, Pascal Durieux et Pierre François, mandaté la société Kargus Consultants pour des missions « d'appui opérationnel à la veille stratégique sur les modes d'action des organisations écologistes ». L'entreprise sous-traitante, spécialisée dans la protection de l'information et la sécurité industrielle, se serait alors tournée vers un informaticien, Alain Quiros, qui aurait piraté l'ordinateur du responsable des campagnes de Greenpeace. Le président d'EDF mis en cause Les informations recueillies par Mediapart, qui a pu consulter le dossier d'instruction, montrent que la sombre besogne de Kargus Consultants ne se serait pas arrêtée là. Il est en effet question de surveillance rapprochée de membres de Greenpeace, voire de l'infiltration de l'association par des agents de Kargus. Et ces barbouzeries ne s'arrêteraient pas aux frontières françaises, puisqu'elles pourraient également concerner les activités du groupement écologiste au Royaume-Uni, en Belgique et en Espagne. Si ces actes d'espionnage ont été réalisés par Kargus Consultants, il ne fait guère de doute, selon Greenpeace, qu'EDF en ait été tenu régulièrement informé : « Il apparaît qu'EDF était bien au courant, voire prescriptrice des opérations illégales de pénétration informatique », note Greenpeace. Le fournisseur d'électricité a beau avoir mis à pied les deux responsables de sa sécurité et clamé son rejet de « toute méthode visant à obtenir des informations de manière illicite », il n'en reste pas moins dans le collimateur de Greenpeace qui entend le voir mis en examen en tant que personne morale. L'association veut même aller plus loin et demande à Jean-Louis Borloo, à la tête du Meeddat*, « de suspendre de ses fonction le président d'EDF [et] de mettre en place une commission démocratique indépendante d'évaluation de l'industrie nucléaire en France. » Une décision qui serait insuffisante, aux yeux de Noël Mamère : l'élu réclame « une mise en examen du président d'EDF puisque c'est lui le patron de cette entreprise qui s'est livrée à des opérations de barbouzes ». Contacté par la rédaction du MondeInformatique.fr, EDF s'est refusé à commenter ce dossier, arguant de ce que « l'instruction judiciaire est en cours ». *Meeddat : ministère de l'Ecologie, l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire