Lorsque les employés sont autorisés à travailler à distance, ils utilisent le plus souvent le gain de temps économisé sur les trajets pour travailler plus longtemps dans la journée. En moyenne, les salariés gagnent 72 minutes de trajet chaque jour lorsqu'ils sont autorisés à travailler à domicile plutôt qu'au bureau, selon l'étude Global Survey of Working Arrangements (G-SWA) réalisée par le National Bureau of Economic Research (NBER). En France, les salariés gagnent 62 minutes par jour en moyenne. "C'est un gain de temps important, surtout lorsqu'il est multiplié par des centaines de millions de travailleurs dans le monde", indique l'étude. "Ces résultats suggèrent qu'une grande partie de ce gain de temps revient aux employeurs, et que les enfants et les autres bénéficiaires de soins en bénéficient également." En moyenne, les télétravailleurs consacrent 40 % de leur gain de temps de trajet aux tâches professionnelles primaires et secondaires, 34 % aux loisirs et 11 % à la prise en charge des enfants. 

Comme on pouvait s'y attendre, l'étude a révélé que les travailleurs ayant des enfants consacrent une plus grande partie de leur temps de trajet aux soins.

Les données ont été collectées à partir d'une enquête menée auprès d'environ 19 à 35 000 employés dans le monde sur la base de deux périodes d'enquête. L'étude de G-SWA a eu lieu dans 15 pays à la fin du mois de juillet et au début du mois d'août 2021 et dans un ensemble de 25 pays se chevauchant à la fin du mois de janvier et au début du mois de février 2022. Les travailleurs interrogés étaient âgés de 20 à 59 ans, et tous avaient terminé leurs études. Outre des questions de base sur les caractéristiques démographiques et les résultats sur le marché du travail, l'enquête a porté sur les niveaux actuels et prévus de travail à domicile, le temps de trajet, etc. 

D'autres études récentes sont arrivées à des conclusions similaires. 

Selon Gartner Research, l'un des principaux avantages du télétravail est le temps que les employés gagnent sur leurs trajets, ce qui leur permet de passer plus de temps avec leurs amis et leur famille, de rattraper leur sommeil ou de se concentrer sur leurs centres d’intérêts en dehors du travail. La durée moyenne d'un trajet aller simple en France est de 31 minutes ; par conséquent, un aller-retour au bureau "coûte" aux salariés une heure d'autres activités auxquelles ils tiennent, selon Gartner. Dans l'ensemble, les recherches du cabinet d'études américain ont montré que les modèles de travail hybrides flexibles sont plus performants que les autres en termes de résultats pour les employés, tels que l'intention de rester dans l'entreprise, la fatigue et les performances. Ces trois facteurs se répercutent directement sur les résultats de l'entreprise. 

"Les entreprises progressistes le reconnaissent ; elles pourront non seulement tirer parti des avantages du travail hybride, mais aussi être des employeurs de choix sur le marché des talents", a déclaré Caitlin Duffy, directrice de la pratique RH de Gartner Research. "Les employés veulent l'autonomie, la flexibilité et la liberté d'intégrer le travail dans leur vie de la manière qui leur convient le mieux, et les organisations peuvent les leur fournir en passant à des modèles de travail hybride et à distance."

Difficile retour au bureau

Au cours de l'année écoulée, certaines entreprises ont exigé que les employés retournent au bureau au moins un certain nombre de jours par semaine, tandis que d'autres obligent ce retour à plein temps. Une enquête récente de Resume Builder a révélé que 90 % des entreprises demanderont aux employés de retourner au bureau au moins une partie de la semaine cette année. Et un cinquième de ces entreprises ont déclaré qu'elles licencieraient les travailleurs qui refusent. D'autres études, cependant, ont montré qu'il n'y a pas d'amélioration mesurable des performances lorsqu'un travailleur est au bureau par rapport au travail à domicile. Selon Owl Labs, un fournisseur de dispositifs de vidéoconférence, 62 % des travailleurs se sentent plus productifs lorsqu'ils travaillent à distance, et 51 % affirment que le travail à domicile est le plus productif pour penser de manière créative. Seuls 30 % considèrent que le travail au bureau est le plus efficace pour le même type de travail. "Alors que les craintes de récession se font sentir, de nombreux dirigeants ressentent l'envie de prendre davantage le contrôle du travail, y compris en imposant un retour rigide au bureau. Ce serait une grave erreur", a déclaré M. Duffy. Bien que la plupart des société aient été contraintes de passer au travail à distance par nécessité pour la santé et la sécurité des travailleurs et la continuité des activités pendant la pandémie de Covid-19, ce changement a mis en évidence les nombreux avantages des modèles de travail hybrides pour les employés et l'organisation, notamment l'amélioration de la productivité et la flexibilité des travailleurs, a déclaré M. Duffy.

Une étude de Gartner montre que les employés autorisés à décider de leurs horaires de travail ont 2,3 fois plus de chances d'être plus performants que les salariés non autonomes. L'autonomie permet également de réduire de moitié la fatigue des employés (ce qui est essentiel pour maintenir les performances dans le temps) et de doubler la probabilité que les collaborateurs restent dans l'entreprise. À l'heure où les talents IT se font rares, la fidélisation des salariés est essentielle pour que les organisations disposent d'un personnel complet, selon Gartner. 

Les métiers du numérique font partie des plus gros demandeurs de télétravail. 

"Le travail hybride et à distance propose une conception du travail plus centrée sur l'humain, qui place les êtres humains au centre du travail, plutôt que de les traiter comme des éléments secondaires de l'environnement de travail", a souligné M. Duffy. "Un principe clé sous-jacent de la conception du travail centrée sur l'humain consiste à accorder aux personnes et aux équipes l'autonomie sur la façon dont elles font leur travail et obtiennent leurs résultats, tout en les tenant responsables des résultats." Selon une autre étude de Forrester Research, 37% des employeurs américains ont une politique de un à quatre jours au bureau, tandis qu'un autre 14% ont peu ou pas de jours minimum au bureau, ce qui signifie qu'au moins 51% fonctionnent selon une sorte de politique de "travail n'importe où". Le nombre de jours de travail à domicile aux États-Unis s'est stabilisé à environ 30 % depuis février 2021, selon les études du groupe Work From Home (WFH) Research, contre 5 % des jours de travail à domicile avant la pandémie. Les projets des employeurs concernant les politiques de travail à domicile à l'avenir restent stables à environ 2,3 jours par semaine. 

Cependant, les batailles sur les politiques de retour au bureau devraient se poursuivre en 2023, selon J.P. Gownder, vice-président et analyste principal chez Forrester Research. "Les organisations ont redéfini leurs stratégies ou commencé à appliquer des politiques - pourtant, l'adhésion a continué à être un problème, les employés ne suivant pas nécessairement les politiques", explique-t-il. Soixante pour cent des managers s'inquiètent toujours du fait que les travailleurs sont moins productifs lorsqu'ils travaillent à distance, selon les données de l'enquête Owl Labs. "C'est peut-être la raison pour laquelle plus d'un tiers (37 %) des employeurs ont ajouté ou augmenté l'utilisation d'un logiciel de suivi des activités des employés au cours de l'année écoulée", a déclaré le cabinet dans une réponse par courriel à notre confrère Computerworld. 

Des employés attachés au télétravail

Cette année, Forrester prédit que 40% des entreprises ayant des politiques de travail n'importe où tenteront de tirer les rênes, c'est-à-dire qu'elles passeront d'aucun jour minimum au bureau à deux jours par semaine, "ou de deux jours au bureau à trois ou quatre jours." "Nous prédisons également que la moitié de ces efforts échoueront, parce que les employés exprimeront leur mécontentement, n'adhéreront pas aux politiques, ou partiront dans le cadre de l'augmentation des chiffres d'attrition des employés", a relevé M. Gownder. Aux États-Unis, 13 % des employés à temps plein sont entièrement à distance, 58 % sont à temps plein sur place et 29 % ont un lieu de travail hybride, selon les données de WFH Research pour le quatrième trimestre 2022.

Au moment de l'enquête mondiale d'octobre du NBER, les employés travaillaient en moyenne à domicile environ 1,7 jour par semaine. Dans cette optique, le travail à domicile a permis d'économiser environ deux heures par semaine et par travailleur en 2021 et 2022. Comme on s'attend à ce que les employeurs réduisent les pratiques de télétravail, cette quantité de temps diminuera à environ une heure par semaine par travailleur. "Cela équivaut à 2,2 % d'une semaine de travail de 46 heures, soit la somme de 40 heures rémunérées et de six heures de trajet quotidien", indique l'étude du NBER.

Des gains en trajet et en pollution

Les économies de temps de trajet quotidien pour les employés qui travaillent à domicile varient selon les pays. Les États-Unis se situent au bas de l'échelle, avec une moyenne de 55 minutes gagnées en l'absence de trajet. Les gains de temps vont de 51 minutes en Serbie et 54 minutes en Pologne à 99 minutes en Inde, 100 au Japon et 102 en Chine. Dans la plupart des pays, les temps de trajet dépassaient une heure par jour (62 minutes en France comme indiqué plus haut).

Des études suggèrent également que le travail à domicile réduit la consommation d'énergie et la pollution à l'échelle de l'économie. Aux États-Unis, le nombre de trajets mensuels entre le domicile et le lieu de travail effectués à l'aide des transports publics a également chuté pendant la pandémie et représente encore 62 % de ce qu'il était avant la pandémie, selon la Federal Transit Administration. "Le travail à domicile et la diminution des trajets domicile-travail qui en découle ont également des répercussions sur les individus et la société par de nombreux autres moyens", indique l'étude. "Plus de travail à domicile signifie également des charges plus légères sur les systèmes de transport et, en particulier, moins de congestion aux heures de pointe des déplacements."