Le Gouvernement et les fichiers de renseignements c'est un peu une grande histoire d'amour contrariée par de nombreux rebondissements. Une douzaine d'années après la tentative de l'Etat de pousser le fichier de renseignement Edvige avant que la CNIL ne vienne mettre son nez dedans, le Gouvernement remet le couvert. Début décembre, le ministère de l'Intérieur a en effet publié trois décrets - après avis favorable du Conseil d'Etat - modifiant le code de la sécurité intérieure élargissant de fait les critères de fichage des citoyens par la police.

Concrètement, ces décrets autorisent policiers et gendarmes à faire désormais mention dans des fichiers des « opinions politiques », « convictions philosophiques et religieuses », et de « l'appartenance syndicale » de personnes, alors que les précédents textes se limitaient à recenser simplement des « activités ». Les fichiers en question sont les suivants : Pasp (prévention des atteintes à la sécurité publique) de la police, Gipasp (gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique) des gendarmes, et l'EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique). Début novembre 2020 d'après le ministère de l'Intérieur, 60 686 personnes étaient inscrites au Pasp, 67 000 au Gipasp et 221 711 à l'EASP.

Un avis de la CNIL consultatif facultatif

Vent debout contre ces décrets et la constitution de ces fichiers intégrant de telles informations et données personnelles, plusieurs organisations syndicales incluant la CGT, FO, la FSU, ou encore le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, avaient déposé quelques jours après la parution des décrets plusieurs requêtes devant le Conseil d'Etat afin d'en dénoncer leur « dangerosité ». Une initiative qui a tourné court, la plus haute juridiction française ayant rejeté le 4 janvier 2021 ces requêtes et donné raison à l'Etat.

Cette décision intervient alors que la CNIL avait formulé en amont plusieurs avis mitigés et réserves,  sachant qu'elle n'avait pas n'avait pas été consultée pour l’introduction des opinions politiques. « L’avis ne constitue ni une autorisation ni un refus », a expliqué Émilie Seruga-Cau, cheffe du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales à la Commission. « Le but est de conseiller le gouvernement et celui-ci est susceptible de modifier son texte pour tenir compte de l’avis ou de l’examen ultérieur fait par le Conseil d’État. » Qui a parlé d'avaler une couleuvre ?