Le Forum Teratec, rendez-vous de la communauté du calcul haute performance qui se tient au début de l’été, vient de démarrer sa 16ème édition, en ligne, jusqu’au 24 juin. Les sessions s’y déroulent en direct, réunissant les représentants du monde académique, les entreprises utilisatrices et les fournisseurs de technologie HPC. Ces interventions pourront être consultées en replay dans quelques jours. Ce mardi, l’une d’elles a notamment abordé les projets européens en matière de calcul hybride quantique, alors que les stratégies quantiques se mettent en place un peu partout au niveau mondial, dont en France autour du plan du même nom, et une semaine après la présentation par l’institut Fraunhofer, dans ses locaux d’Ehningen (Allemagne), du premier Quantum System One assemblé par IBM en dehors de ses propres datacenters.

« La prochaine étape pour le HPC est l’introduction modulaire d’accélérateurs quantiques (QPU) dans les centres de calcul », a exposé Jean-Philippe Nomine, responsable des collaborations stratégiques HPC au CEA. Supercalculateurs et QPU vont permettre aux scientifiques de réaliser des calculs hybrides classiques-quantiques. Le chargé de mission HPC a rappelé en introduction les deux grandes composantes du TGCC, le très grand centre de calcul du CEA. D’une part, le centre de recherche du Genci (avec son Joliot-Curie à 22 pétaflops) destiné à devenir le centre de référence français en matière d’infrastructures publiques d’informatique quantiques. D’autre part, sur le versant industriel, le CCRT, Centre de calcul en recherche et technologie (et son Topaze à 9 pflops) qui héberge depuis déjà 3 ans un simulateur Atos QLM (31 qubits). Avec ce dernier, l'objectif est d'aider les partenaires industriels à se préparer au quantique en évaluant le plus tôt possible ce que celui-ci peut apporter à leurs applications en explorant des cas d’usages. Le CEA est maintenant engagé dans le projet européen HPCQS avec Genci et le centre de recherche allemand de Juliers, ce dernier comme coordinateur, dans un consortium sélectionné par EuroHPC pour réaliser en 2023 un ordinateur comportant un accélérateur quantique d’au moins 100 qbits.

Principal défi : la mise en pratique de cas d'usage

Le consortium HPCQS regroupe aussi le CNRS et l’Inria, ainsi qu’Atos et la start-up Pasqal qui livreront respectivement le HPC et l’accélérateur quantique intégré. « Nous sommes impatients d’avoir et d’expérimenter deux machines Pasqal, l’une au TGCC, l’autre à Juliers », a indiqué Jean-Philippe Nomine. La start-up deeptech Pasqal, qui développe son ordinateur quantique depuis l’Institut d’optique (IOGS, CNRS) de Palaiseau, a récemment levé 25 M€ en série A en bénéficiant du premier investissement du fonds Innovation Défense géré par Bpifrance. Elle développe un accélérateur quantique reposant sur la technologie des atomes neutres, qui viendra renforcer les capacités de calcul des systèmes HPC en les transformant en systèmes hybrides quantique-HPC. Une technologie basée sur les atomes de Rydberg, contrôlés par laser (manipulation par pince optique). « Ils sont déjà parvenus à 200 qubits en laboratoire et sont en train d’industrialiser leur solution », a rappelé Jean-Philippe Nomine. Le TGCC fera donc partie de ses utilisateurs précoces. 

Kristel Michielsen, chef de groupe pour le traitement de l’information quantique du centre HPC de Juliers (FZJ/JSC, Jülich Supercomputing Centre), a présenté ensuite un état de l’art de l’informatique quantique. Il existe de nombreux systèmes quantiques différents (qubits supraconducteurs, atomes neutres, ions piégés…) dont le niveau de maturité est décrit par l’échelle QTRL (quantum technology readiness level). Le principal défi reste la mise en pratique de cette technologie, c’est-à-dire le développement de prototype d’applications et de cas d’usage pour les simulateurs quantiques, ordinateurs quantiques et recuits quantiques. « Pour y parvenir, nous pensons qu’il est nécessaire que les systèmes HPC et quantiques soient associés », a indiqué la scientifique. Simuler les systèmes quantiques avec les HPC aidera à comprendre comment ils opèrent et cela pourra aider aussi à leur conception. Pour le benchmarking également, ces simulations sont nécessaires, pour comparer ce que les ordinateurs quantiques devraient faire en théorie avec ce que font les systèmes quantiques existants. Mais l’objectif, c’est surtout, lorsque les HPC et systèmes quantiques seront étroitement intégrés, de pouvoir faire de la simulation hybride pour les applications. Kristel Michielsen a présenté l’infrastructure prévue au centre de recherche de Juliers et évoqué, pour le futur, des systèmes exascales modulaires pour la simulation high-end et les applications de l’IA à grande échelle pour la recherche en Europe, avec l’intégration possible des technologies quantiques et neuromorphiques.

L'infrastructure unifiée pour l'informatique quantique prévue par le centre de recherche de Juliers, en Allemagne, présentée hier sur Teratec 2021 par Kristel Michielsen. (Crédit  FZJ/JSC)

Jumeaux numériques pour données satellite

Le Forum Teratec se poursuit jusqu’à ce jeudi 24 juin. Après les keynotes et sessions plénières du matin avec notamment les interventions prévues de Jensen Huang, président et CEO de Nvidia, le mercredi, et d’Elie Girard, le PDG d’Atos, le jeudi, et les tables-rondes autour des technologies des fournisseurs, des sessions sont consacrées à la présentation des projets de recherche européens, entre midi et 13 h 30. Comme à l'accoutumée sur Teratec, différentes sessions sont organisées par les fournisseurs et certaines affichent déjà « complet » comme celle sur « Lumi, the Queen of the North, l’un des superordinateurs les plus puissants au monde ». Nvidia de son côté abordera les défis du traitement automatique du langage naturel à base des modèles Transformers.

Au programme du mercredi, une session sur la cybersécurité au cours de laquelle Schneider Electric interviendra dans le domaine de l’industrie 4.0 et de l’utilisation des objets connectés, à 14 h. Tandis qu'à 16 h, le CNES, Dassault Systèmes et d'autres intervenants traiteront de l’émergence des jumeaux numériques dans l’utilisation des données satellite pour l’environnement et le climat. Le jeudi, une session est consacrée au stockage HPC et aux nouveaux paradigmes pour s’attaquer aux défis des architectures exascale.