Après les annonces estivales remarquées de Leo Apotheker, CEO de Hewlett-Packard, sur l'arrêt brutal de la commercialisation des tablettes TouchPad et des smartphones Vee animés par webOS et la mise à l'écart de la division PSG (Personal Systems Group), les clients, les revendeurs et les salariés de la firme de Palo Alto se posaient de nombreuses questions. Pour faire le point sur ces annonces et notamment la décision d'acquérir l'éditeur britannique Autonomy pour un montant de 10 milliards de dollars, nous avons rencontré Gérald Karsenti, nommé en juin dernier PDG de HP France, pour une explication de texte.

Première interrogation, pourquoi des annonces aussi précipitées avec notamment l'abandon du marché des tablettes Internet un mois après le lancement en fanfare du TouchPad. « Leo Apotheker a fait des choix courageux. Un patron qui hésite se plante » assure pour commencer Gérald Karsenti. « HP est dans une position unique, mais le marché se segmente en deux catégories, la technologie et les métiers d'un côté - avec la mise en oeuvre de projets - et le monde des utilisateurs - avec les PC et les objets numériques. » Aujourd'hui, l'analyse de la direction mondiale de HP est que la division PC n'était pas assez réactive. « Cela va tellement vite qu'il faut prendre les décisions plus rapidement. La division PC souffrait de ces arbitrages et il faut redonner de la souplesse et de l'autonomie à cette activité en la mettant à côté ».

Scission, cession ou statu quo

Aujourd'hui la question qui préoccupe les revendeurs et les salariés de la compagnie, est bien de savoir si Leo Apothoker envisage une scission comme avec Agilent il y a 12 ans, une cession au plus offrant, ou le statu quo. Pour bien comprendre l'enjeu, il est nécessaire de rappeler que l'activité PC grand public a plombé les résultats de HP au dernier trimestre. Le chiffre d'affaires global de la division PSG a en effet baissé de 5 % sur un an, avec une marge de 5,7 %. Dans les entreprises, le CA des PC progresse de 13 %, alors qu'il baisse de 23 % chez les particuliers. Les imprimantes et systèmes associés (division Imaging and Printing Group, IPG) voient par contre leur CA progresser de 5 % avec une marge de 17 %, tandis que la partie services progresse de 2 % sur un an, avec une marge de 15,2 %. La division serveurs et stockage (ESSN) a progressé de 15 % avec une marge de 13,8 %. Les logiciels croissent de 17 %, avec une marge de 20,2 %. Les services financiers, enfin, augmentent de 17 % avec une marge opérationnelle de 9,4 %.

Il y a sept ans, IBM avait vendu son activité PC en estimant que les marges réduites qu'elle lui apportait ne valaient pas la peine de continuer. Malgré les éléments de langage, il n'est donc pas très difficile de comprendre pourquoi HP cherche activement à se débarrasser de son activité PC même s'il reste numéro 1 sur ce secteur. Sur les conditions de la séparation, le dirigeant de la filiale française est clair, la scission a la préférence du conseil d'administration même si une cession totale ou partielle est également envisagée. « La décision sera prise fin décembre et non pas dans 12 à 18 mois. »

En quoi PSG séparée serait plus réactive ?

Si la firme de Palo Alto cherche à convaincre du bienfondé de sa stratégie, on a du mal à comprendre comment PSG pourrait être plus réactive une fois séparée du groupe, d'autant que le numéro 1 sur le marché des PC ne posséderait aucune tablette à son catalogue alors que ce type de terminal a aujourd'hui la faveur du grand public et même des entreprises. Et comme webOS est sensé rester dans le giron de HP puisque cette activité serait directement rattachée à la direction générale selon Gérald Karenski, PSG se retrouve totalement nu sur ce marché en forte croissance à la différence du segment des PC. La future entité pourra toujours se tourner vers Google pour proposer des tablettes Android en s'associant avec un quelconque constructeur chinois. Un beau revers après le rachat de Palm par HP pour un montant de 1,2 milliard de dollars.

À la question de savoir combien de salariés de HP seront concernés en France par cette décision, Gérald Karsenti a refusé de répondre même si les sources syndicales avancent le chiffre de 700 personnes environ entre PSG et les fonctions indirectes (500 employés directement concernés sur HPCCF et 200 sur HPF soit plus de 20 % sur CCF et près de 10 % sur le nouvel HPF avec HPESF). La France occupe toujours une place unique en Europe même si les effectifs ont fondu depuis le rachat de Compaq et l'utilisation de ses ressources historiques au Texas. Après ces annonces de l'été, les effectifs encore présents en France se montrent extrêmement inquiets quant à leur avenir et mettent en avant les risques de délocalisation et de plan social.

Illustration principale : Gérald Karsenti, PDG de HP France, crédit D.R.