Drôle de jeu que celui auxquels jouent Google et Microsoft. En septembre dernier, c’est Google qui était sous le feu des projecteurs, avec, au cœur des discussions, un procès qui l’oppose au département américain de la Justice. Le géant de Mountain View est accusé de bénéficier d’un monopole par le biais de contrats d’exclusivité avec des fournisseurs de terminaux et de logiciels. L’effet global de ces nombreux accords, selon la plainte du gouvernement, a été de refuser artificiellement l'accès au marché des moteurs de recherche à ses rivaux, créant ainsi un monopole effectif. Si le procès est considéré par certains comme historique aux États-Unis, il est surtout l’occasion pour les concurrents de la firme venus témoigner d’évoquer l’« impact » des pratiques de ce dernier sur leurs propres activités.

C’est à cette occasion que Satya Nadella, CEO de Microsoft, avait été appelé à la barre. Sans grande surprise, ce dernier n’a pas mâché ses mots, pointant notamment du doigt « l'accord oligopolistique » entre Apple et Google ainsi que la domination de ce dernier sur le marché de la recherche web. Depuis, d’autres ont été appelés à témoigner, incluant le CEO de Google. Le procès a déjà permis de révéler que Google a déboursé 26 milliards de dollars l'année dernière pour rester le moteur de recherche par défaut sur divers téléphones et navigateurs internet. L'essentiel de cette somme ayant été versée à Apple. Désormais, la première phase est terminée et le suspense reste entier. Le procès rouvrira pour les plaidoiries finales en mai 2024.

Google pousse à son tour Microsoft dans les orties

L’histoire qui nous intéresse aujourd’hui est un épisode supplémentaire du feuilleton qui se joue entre les deux géants technologiques. Reuters révèle ainsi que Google pousse à une action antitrust contre Microsoft sur le marché britannique du cloud. La firme a ainsi appelé le régulateur antitrust britannique – la CMA (Competition and Markets Authority) – à prendre des mesures contre Microsoft affirmant que ses pratiques commerciales avaient laissé ses concurrents dans une situation désavantageuse significative, selon une lettre consultée par Reuters. Une nouvelle pour le moins surprenante quand on sait que ces deux entreprises font l’objet d’une surveillance accrue dans le monde entier en raison de leurs pratiques jugées à maintes reprises déloyales et abusives.

Google aurait peut-être mieux faire de se taire. La CMA a en effet d’ores et déjà lancé une enquête sur le secteur britannique du cloud computing en octobre, à la suite d'une saisine du régulateur des médias Ofcom qui soulignait la domination d'Amazon (AWS), Google et de Microsoft (Azure) sur le marché. Rappelons que l’année dernière, AWS et Azure détenaient une part combinée de 70 à 80 % du marché britannique des services d'infrastructure de cloud public, selon l'Ofcom. La division cloud de Google, quant à elle, représentait une part d'environ 5 à 10 %. Dans sa lettre à l’autorité, la filiale d’Alphabet est même allée jusqu’à déclarer que les pratiques de licence de Microsoft décourageaient injustement les clients d'utiliser les services concurrents, même en tant que fournisseur secondaire aux côtés d'Azure. « Avec les restrictions de licence de Microsoft en particulier, les clients britanniques n'ont d'autre alternative économiquement raisonnable que d'utiliser Azure comme fournisseur de services cloud, même s'ils préfèrent les prix, la qualité, la sécurité, les innovations et les fonctionnalités de leurs concurrents ».

Une mise à jour des règles de licence jugée pas suffisante

En 2022, pourtant, Microsoft a fait un pas en avant pour promouvoir davantage la concurrence en mettant à jour ses règles de licence. Seulement voilà, cela ne semble pas suffire. « Comme le montrent les dernières données indépendantes, la concurrence entre les hyperscalers du cloud reste saine. Au deuxième trimestre 2023, Microsoft et Google ont réalisé des gains tout aussi modestes sur AWS, qui continue de rester le leader mondial avec une marge significative », défend un porte-parole de Microsoft interrogé par Reuters.

Le problème qui persiste concerne donc la décision de Microsoft de mettre à jour les conditions dans lesquelles les clients souhaitaient utiliser leurs licences Windows ou d'autres logiciels dans le cloud, ce qui entraînait effectivement des coûts plus élevés s'ils utilisaient Google ou AWS au lieu d'Azure. Toutefois, AWS représente un risque moindre par rapport à Microsoft pour Google. Selon le vice-président de Google Cloud, Amit Zavery, les consommateurs d'AWS ne sont pas confrontés aux mêmes restrictions. « Le problème que nous rencontrons avec Microsoft est qu'il n'y a pas de problème technique, mais il y a des restrictions de licence, ce qui signifie que nous ne pouvons plus rivaliser ».

Parmi les recommandations faites par Google à la CMA, notons l’obligation pour Microsoft d’améliorer l'interopérabilité pour les clients utilisant Azure et d'autres services cloud, ainsi que lui interdire de refuser les mises à jour de sécurité à ceux qui changent.