Depuis le 12 septembre, les témoignages se succèdent au tribunal de Washington pour faire toute la lumière sur les agissements de Google. Le Department of Justice (DOJ, ministère américain de la Justice), à l'origine de ce procès antitrust, cherche à déterminer si la firme a agi illégalement pour maintenir sa domination sur la recherche en ligne et sur certaines parties de la publicité liée à la recherche. Qualifié d'historique, le procès a déjà permis de révéler que Google a déboursé 26 milliards de dollars l'année dernière pour rester le moteur de recherche par défaut sur divers téléphones et navigateurs internet. L'essentiel de cette somme a été versée à Apple. Ce sont donc les accords de distribution qui sont au cœur du procès ; le gouvernement US souligne que Google, qui détient environ 90 % du marché de la recherche, verse 10 milliards de dollars par an à des fournisseurs de smartphones comme Apple et à des opérateurs de téléphonie mobile comme AT&T et d'autres pour être le moteur de recherche par défaut de leurs terminaux.

Début octobre, c'est Satya Nadella, CEO de Microsoft, qui a été appelé à la barre. Le gouvernement attendait avec impatience ce témoignage en raison de ses interrogations sur les milliards de dollars versés chaque année à des fabricants de smartphones comme Apple et à des opérateurs de téléphonie mobile comme AT&T afin d’être le moteur de recherche par défaut sur leurs appareils, le tout dans le but de rester leader sur ce marché. À ce sujet, Satya Nadella a qualifié l’accord entre Google et Apple, se « simple accord oligopolistique ». Il a également révélé que Microsoft était prêt à payer à Apple jusqu'à 15 milliards de dollars par an pour devenir son fournisseur de moteur de recherche par défaut. En contrepartie, l'entreprise aurait été disposée à masquer l'icône Bing dans Safari. Le CEO de Microsoft estime qu’Apple a utilisé l'offre de Microsoft pour « faire monter le prix » qu'elle a reçu de Google afin que le moteur de recherche de cette dernière reste l’option par défaut. Ce lundi 30 octobre, c'est au tour de Sundar Pichai, CEO de Google depuis 2015, de témoigner.

Google, moteur de recherche par défaut ? Sundar Pichai répond

Il a donc été appelé à la barre ce lundi matin et – sans grande surprise – s’en est pris à Microsoft et à son navigateur Internet Explorer. Revenant sur les mois qui ont précédé le lancement de Chrome, il a déclaré : « à l'époque, le marché des navigateurs avait en quelque sorte stagné », ajoutant qu'ils (Microsoft) « n'étaient ainsi pas incités à améliorer leur produit ». Le CEO de Google a ensuite qualifié Chrome d’« amélioration assez spectaculaire » lors de son lancement en 2008. Il a également fait savoir que les utilisateurs insatisfaits du moteur de recherche par défaut, pouvainet passer - et ils le font- à une solution de rechange. Il a également indiqué que les accords de partage des revenus étaient légaux et que Google a investi massivement pour maintenir la compétitivité de ses activités de recherche et de publicité.

Une question brûlait les lèvres des avocats du gouvernement américain : qu'en est-il des dizaines de milliards de dollars annuels payés par Google à d'autres entreprises pour être ce moteur de recherche par défaut ? « Nous en voyons définitivement la valeur » a simplement indiqué Sundar Pichai. Des documents lui ont été présentés, attestant que Google aurait fait pression sur Apple, les sociétés de téléphonie mobile et les fabricants de smartphones pour faire de son moteur leur moteur de recherche par défaut sur leurs appareils en échange d'accords de partage des revenus. « Nous payons pour l'exclusivité du préchargement appareil par appareil », a précisé Sundar Pichai interrogé par le ministère de la Justice.

Reuters rapporte qu'un avocat du ministère l'a interrogé sur une discussion survenue en 2007 entre des dirigeants de Google, dont Sundar Pichai lui-même, avant qu'il ne devienne directeur général au sujet d'une demande d'Apple visant à permettre aux utilisateurs de choisir leur moteur de recherche sur une nouvelle version de son navigateur Safari. Un document de l'époque indiquait que 75 % des gens ne modifiaient pas leurs valeurs par défaut et notait : « Les valeurs par défaut ont un fort impact ».

L'accord avec Apple est essentiel pour Google

Sundar Pichai est également revenu sur la « mission » que s'est donnée la firme : rendre l'information « universellement accessible et utile » à tous. « Cette mission est plus intemporelle et plus pertinente que jamais », a-t-il déclaré, en référence aux concurrents fraîchement arrivés sur le marché de la recherche en ligne et compte tenu des progrès de l'intelligence artificielle générative, notamment avec le lancement de ChatGPT. Une affirmation que le gouvernement américain a tenté de démonter dans son contre-interrogatoire. L'AFP rapporte ainsi que s'appuyant sur des courriels, des discussions et des lettres datant parfois de vingt ans, l'administration américaine a poussé le CEO de Google à admettre que l'accord par défaut avec Apple était essentiel pour Google. 

Le dirigeant s'est même vu présenter un mémo interne dans lequel Google s'inquiétait du fait que certaines recherches sur les iPhone étaient « cannibalisées » par l'assistant vocal d'Apple, Siri. Ainsi, en 2019, Sundar Pichai expliquait au CEO d'Apple, Tim Cook, que cela pouvait expliquer les revenus moins importants que prévu d'Apple provenant des recherches Google l'année précédente, et qu'il était possible d'y remédier. Le patron de Google a également été interrogé sur la suppression automatique d'enregistrements de discussions internes. Des avocats du gouvernement soupçonnent le dirigeant d'avoir tenté d'empêcher que des conversations incriminantes soient présentées comme preuves.