Après avoir été DSI de Nature & Découvertes, de Celio, du groupe Pochet, Josselin Ollier a posé ses valises chez JJA. Un nom presque inconnu du grand public. Pourtant, avec ces quatre marques principales (Hespéride, Atmosphera, Five, Secret de Gourmet), cet industriel de marques, qui conçoit ses produits, les élabore, les industrialise, les transporte, les stocke (dans 4 entrepôts de 80 000 m2 en France) et les commercialise, est présent dans de multiples enseignes de décoration et d'équipement de la maison ainsi qu'en grandes surfaces.

Il suffit de quelques minutes dans les allées du showroom de 15 000 m2 de JJA, installé à côté des pistes de l'aéroport du Bourget, pour comprendre combien ses produits sont familiers du consommateur. « Nous sommes un acteur B2B2C, un modèle que l'on pourrait comparer à Décathlon, sans les magasins et pour la décoration ! », dit le DSI et membre du Comex de cette entreprise familiale fondée en 1976 et que Josselin Ollier a rejoint en juin 2021. Aujourd'hui, le groupe JJA réalise 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires en France et dans une cinquantaine de pays et emploie environ 2100 personnes.

Quelles sont les priorités stratégiques de JJA et quel rôle joue la DSI dans la mise en oeuvre de celles-ci ?

Josselin Ollier : La première d'entre elles consiste à développer nos activités à l'international. Le groupe entend également renforcer son efficacité opérationnelle en industrialisant ses pratiques ; après avoir rencontré une forte croissance pendant 10 ans, la société a souhaité rationaliser et structurer son actif informatique tout en préparant son avenir. Pour accompagner ces orientations, JJA entendait mettre l'IT au coeur de sa stratégie et faire de sa DSI un véritable levier de sa performance. C'est ce qui, au-delà de mon arrivée au sein du groupe, a permis de bâtir une nouvelle organisation en partenariat avec l'ensemble des directions métiers et de la structurer autour de Business Partner, avec comme point d'orgue le renforcement des équipes et l'internalisation des compétences stratégiques. En un an, la DSI a recruté 23 personnes, principalement des profils de chefs de projet (avec des expertises métier et applicatives), mais également des compétences dans les domaines de la gouvernance et des infrastructures.

Cette nouvelle approche nous a permis de réaliser, dans un délai très court (9 mois), une profonde transformation de la DSI en mettant sous contrôle nos basiques tout en nous préparant à déployer la stratégie du groupe : formation des équipes, définition et outillage de tous les processus de la DSI, gouvernance standardisée des projets et des TMA (via Jira et Project Monitor), outillage de la production et de l'exploitation (Centreon, Vtom), renforcement de la sécurité, refonte des infrastructures (Nutanix), PRA, sans oublier d'établir une vision à 3 ans. C'est par cette exécution rapide et par des résultats tangibles que nous avons su regagner la confiance de toutes les directions métier, que nous avons repositionné la DSI au coeur de l'entreprise et que nous avons redonné du sens à notre relation.


« La DSI est un 'livre ouvert' qui s'attache à entretenir une totale transparence sur ses activités, ce qui contribue au maintien de la confiance. » (Photo : Bruno Lévy)

Quel est le principal levier d'efficacité opérationnelle que vous pouvez actionner ?

De manière certaine, la transversalité et la coordination des directions ! Notre priorité est de s'assurer que les projets et les pratiques métiers sont coordonnés transversalement en matière de dépendances inter projets (60 projets figurent sur la roadmap) et de cohérence des processus métier tout au long de notre chaîne de valeur. Cette dimension est, de surcroît, renforcée par les projets stratégiques, comme notre nouvel ERP, qui ne peuvent être implémentés sans une parfaite coordination IT & métier.

Comment cela se décline-t-il dans l'organisation ?

Charge à mon équipe et moi-même de mener à bien les projets dits stratégiques, qui sont désormais portés au plus haut de l'entreprise. Ils sont supervisés par des comités de pilotage dédiés lors desquels chaque membre du Comex joue un rôle engageant par son « sponsoring » et exécutés selon une méthodologie projet standardisée. Par ailleurs, nous nous réunissons régulièrement avec le Comex pour partager les avancées majeures de la roadmap, les succès, les difficultés rencontrées, mais également les indicateurs de performance de la DSI (SLA, budget, RH...). La DSI est un « livre ouvert » qui s'attache à entretenir une totale transparence sur ses activités, ce qui contribue au maintien de la confiance de la part des métiers et au renforcement de la transversalité.


« La priorité sera d'internationaliser notre SI le plus rapidement possible en s'appuyant sur le déploiement d'un ERP, d'un CRM, d'un SRM et d'un PIM. » (Photo : Bruno Lévy)

Comment cela se traduit-il en termes de moyens alloués à l'IT ?

L'entreprise s'est effectivement donné les moyens de ses ambitions, via une forte croissance de la masse salariale de la DSI, mais également une augmentation des investissements réalisés sur son SI et, par voie de conséquence, de ses coûts récurrents. Cependant, nos coûts de fonctionnement restent sous contrôle et sont légèrement inférieurs aux ratios du marché. Nous estimons que JJA devrait s'approcher d'un ratio typique de celui du retail (exclusion faite du domaine magasin), plus particulièrement parce que nous opérons également des activités digitales et omnicanales au travers de nos sites B2B et B2C.

Quelle est la feuille de route pour 2024 ?

La priorité sera d'internationaliser notre SI le plus rapidement possible en s'appuyant sur le déploiement d'un ERP, d'un CRM, d'un SRM et d'un PIM. Ces projets structurants permettent de repenser l'architecture applicative en s'appuyant sur l'utilisation de solutions best of breed. Nous savons également que la mise en oeuvre de solutions spécifiques reste indispensable pour aborder certaines spécificités de nos métiers (notamment des processus relatifs à la performance économique de la chaîne industrielle et à l'importation de notre offre produit).

Notre seconde priorité sera de finaliser notre stratégie data déjà très largement engagée (sur les technologies SnowFlake, DBT et Power BI). Nous pouvons désormais, en nous appuyant sur un socle de données fiable et enrichi, poursuivre les expérimentations que nous avons lancées sur l'IA, en particulier sur la supply chain. Nous travaillons ainsi actuellement sur des modèles nous permettant d'optimiser la structuration de nos palettes ou de maximiser nos capacités de déchargement des conteneurs en entrepôts. L'un de ces modèles est validé et sera intégré le mois prochain au coeur d'une application déjà en production. Enfin, notre dernière priorité sera de finaliser la transformation de notre infrastructure et de nos socles techniques (finalisation de la migration des applications et activation du PRA). Nos infrastructures hyperconvergées (Nutanix), gérées par notre équipe dans notre propre datacenter, doivent nous permettre de propulser l'ensemble de ce nouveau socle applicatif en facilitant sa montée en puissance sur de nouveaux pays. Nous capitalisons également sur les avantages du cloud, plutôt pour les applications non stratégiques de JJA.


« Nous avons mis un accent particulier sur la formation des utilisateurs à la data et sur l'accès en libre-service à nos expertises. » (Photo : Bruno Lévy)

Comment est structurée la donnée, socle indispensable pour ces projets IA ? Quelle feuille de route vous êtes-vous fixée en la matière ?

Nous avons mené une démarche assez classique consistant à construire un datawarehouse, définir des indicateurs de pilotage partagés et structurer la restitution sous forme de uses cases au travers d'un outil de visualisation. Nous avons mis un accent particulier sur la formation des utilisateurs et sur l'accès en libre-service à nos expertises au travers de sessions dites Open Mind. Ce dispositif, porté par 3 personnes à la DSI, est un véritable succès auprès d'une trentaine d'utilisateurs clefs. Nos sessions sont déjà remplies pour les 3 prochains mois. Les premiers effets bénéfiques se matérialisent dans l'analyse de la donnée, la recherche d'optimisations et l'accélération des pratiques métiers. 2024 sera l'année de la finalisation des travaux entrepris, mais également de la mise en place de la gouvernance de la donnée et de responsabilisation du métier sur ce sujet, avec une DSI assurant un rôle de coordination dans cette démarche.