Etre français constitue-t-il aujourd'hui un avantage commercial pour vendre à des clients français ?

Jules Henri Gavetti : Oui, clairement. Le premier critère de choix reste bien entendu l'adéquation de la solution au besoin exprimé par le client. Mais si ce client, français, a le choix entre un fournisseur étranger et un fournisseur français, il choisira le français.

Les raisons sont surtout liées au cadre réglementaire spécifique à respecter (malgré les règles européennes, il reste toujours des particularités franco-françaises), à l'anticipation de l'évolution du produit, à la collaboration plus aisée...

La peur de la NSA joue-t-elle ?

Jules Henri Gavetti : Il y a une sensibilité, oui. Mais la peur de l'espionnage n'entre pas -sauf cas particulier- en ligne de compte. La préférence nationale est avant tout une manière de se couvrir juridiquement. Et la proximité commerciale est appréciée : devoir passer par un service après-vente via Twitter en anglais rebute. Enfin, les entreprises qui choisissent des acteurs français n'ont pas à se couler dans un cadre contractuel étranger : elles maîtrisent le cadre juridique français qui est le leur.

Pourquoi Ikoula n'est-il jamais considéré comme cloud souverain ?

D'abord parce que cloud souverain est une marque déposée de SFR ! Donc, nous ne pouvons pas utiliser l'expression. Numergy [filiale de SFR] le peut et Cloudwatt emploie pour sa part une expression un peu différente.

Le problème de la réponse ministérielle est qu'elle utilise l'expression pour définir ceux qui ont droit de répondre aux appels d'offres publics. Et, surtout, derrière, deux acteurs seulement sont cités, deux acteurs dont le seul critère distinctif est d'avoir la Caisse des Dépôts et Consignations, établissement public, dans leur actionnariat.

Que l'Etat investisse dans des acteurs du cloud, cela ne posait pas à la base de problème même s'il aurait été plus judicieux de renforcer les acteurs existants. Par contre, la réponse ministérielle créé une distorsion de concurrence et prouve la nécessité de former les ministres et leurs administrations. Cette réponse incite en effet, malgré quelques précautions oratoires, à ne choisir qu'entre deux acteurs.

Si on limite la commande publique à deux acteurs, c'est grave juridiquement ! Soit on cite tous les acteurs du marché, ou bien en utilisant un critère tel que l'agrément d'hébergeur de données de santé par exemple, soit on n'en cite aucun. Nous sommes là face à un vrai problème vis-à-vis du Code des Marchés Publics. Pour une administration, signer aujourd'hui avec Numergy ou Cloudwatt pourrait même être dangereux juridiquement car un fournisseur éconduit pourrait attaquer la décision en prétendant que le choix a été fait en se basant sur des critères illégaux.

Enfin, rappelons que, aujourd'hui, il n'existe aucune définition unanime de la souveraineté du cloud.


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