Toute équipe IT doit avoir son quota de techno-empathes et de cerveaux droits. Elle le devra de plus en plus à mesure que se développe la relation partenariale entre une DSI et les métiers de son entreprise - dans un mariage subtil avec des compétences techniques de plus en plus pointues.

Dans mes fonctions de DSI, j'ai toujours veillé à inclure dans mes équipes des profils littéraires. Des cerveaux droits empathiques, sensibles aux non-dits, aux nuances des usages, à tout l'essentiel qui n'entre pas toujours dans un cadre rationnel d'ingénieur. Des personnalités complémentaires et en constante interaction avec les profils plus techniques. Entre cerveau gauche et cerveau droit court le chemin ténu du cerveau du milieu.

Replacer le problème avant les solutions

Les services numériques ont souvent la propension à apporter clefs en main la solution à un problème qui n'existait pas avant d'être nommé, comme l'a démontré avec conviction le sociologue Evgueny Morozov en pointant du doigt le « solutionnisme » technologique... L'enjeu n'est pas très différent pour les applicatifs métiers.

Quand une entreprise accoste une solution technologique, le réflexe reptilien des équipes IT est souvent le même. Est-ce que ça a déjà marché ailleurs ? Est-ce que les grands cabinets d'étude en recommandent l'utilisation ? Est-ce que cet outil fait partie des « bonnes pratiques » du marché ? Voire « est-ce que cet outil valorisera mon parcours » ? Bien sûr, ces indices sont une aide à la décision. La valeur d'une technologie réside dans la réponse qu'elle peut apporter au problème posé par son entreprise.

Déceler les non-dits

C'est par l'écoute qu'une équipe peut détecter et traduire une intention de changement, un usage à faire évoluer, une frustration ou une aspiration qui n'arrive(nt) pas toujours à se formuler. Les équipes IT ne doivent pas se résumer à une chambre d'enregistrement des besoins métiers. Elles doivent parfois faire accoucher les besoins, les structurer et s'impliquer dans une relation où la technologie est au second plan.

Comprendre les non-dits est le plus difficile pour des équipes trop homogènes, et pourtant ô combien le plus essentiel. Celles qui y parviennent développent une véritable intimité client avec leurs interlocuteurs métiers, avec leurs utilisateurs et leurs collègues de la DSI. C'est une véritable compétence, qui ne s'outsource pas et qui doit imprégner les collaborateurs.

Dépasser la posture de joueur de Tetris

« Un problème, une solution technologique ». C'est souvent ainsi que les projets informatiques sont envisagés, par habitude, confort ou facilité. Le risque d'une telle vision - même si cela fait partie de la mission d'une DSI - c'est qu'elle enferme dans une posture "joueur de Tetris" de bons faiseurs, sélectionneurs de la bonne technologie pour répondre au besoin... Les enjeux d'une organisation et de ses pratiques entrent rarement dans des cases de façon aussi simple. Au contraire : il faut accepter l'incertitude de la question posée, s'emparer de la nuance à bras le corps, en sachant faire table rase des benchmarks et bonnes pratiques du marché. Ce qui a marché ailleurs ne marchera pas forcément ici. Observer sans a priori, organiser, exécuter et surtout improviser, car le plan se déroule rarement comme prévu. La valeur va naître de l'intelligence que les équipes mettront à décortiquer un problème avec le métier, et ensuite, seulement ensuite, de l'approche technologique pour y répondre. La technologie est morte, vive la technologie ! Vive la différence, vive la complémentarité fertile des cerveaux pour aller dénicher la valeur.