A la suite des critiques suscitées par son projet limitant à 90 jours par an la gratuité sur les frais d’itinérance avec l’obligation de se connecter à son réseau national tous les 30 jours, la Commission européenne a revu sa copie. Elle prévoit maintenant d’abolir toute limite matérielle au roaming, mais elle brouille tout de même les cartes en autorisant par ailleurs les opérateurs à bloquer ou à faire payer les usagers en cas d’utilisation jugée abusive. La limite des 90 jours gratuits avec retour sur le réseau d’origine tous les 30 jours visait justement à éviter certains abus. Mais, à la suite de la levée de boucliers des associations de consommateurs, des parlementaires et d'autres intervenants, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait demandé aux responsables du projet de revoir leur texte convenant que cette proposition était insuffisante.

Dans la nouvelle proposition de la Commission européenne, les utilisateurs mobiles pourraient appeler toute l’année en roaming à travers l’Union européenne sans se voir facturer de frais hors forfait... tant que leur consommation ne sera pas considérée comme abusive par leurs opérateurs. Auquel cas, ces derniers pourront, après avoir averti leur abonné, facturer des frais d’itinérance de 0,04 euro par minute et de 0,01 euro par SMS, ou encore de 8,70 euros par Go de données. Si l’abonné conteste le surcoût, il devra justifier son recours au roaming, a précisé Günther Oettinger, commissaire européen pour l’économie numérique. Les contestations seront adressées au régulateur de télécommunications national de l’abonné. La définition de ce qui constituerait un usage abusif est laissée en grande partie à la discrétion des opérateurs qui pourront également imposer le même surcoût pendant toute l’année s’ils arrivent à convaincre le régulateur que fournir une itinérance gratuite met en danger leur modèle de facturation dans leur pays.

Ne pas mettre en faillite l'opérateur mobile letton

La Commission a établi une liste de situations qui pourraient être considérées comme abusives. Par exemple, si le trafic de l’abonné dans le pays de son abonnement est insignifiant par rapport au trafic en itinérance, ou encore si l’abonné dispose d’un numéro de carte SIM qu’il utilise principalement en mode roaming. Dans le cas où des cartes SIM seraient achetées en grands volumes dans un pays offrant de faibles coûts de télécommunications afin d’être revendues pour un usage permanent dans un pays où les coûts sont plus élevés, la Commission européenne autorisera les opérateurs à prendre « des mesures immédiates et proportionnées ». On peut supposer que cela inclura l’interruption de l’abonnement téléphonique, sous réserve que le régulateur national soit prévenu.

Günther Oettinger explique les dangers de ce type de revente : « Les prix en Lettonie, par exemple, sont 6,5 fois moins élevés qu’en Irlande. Sur un plan commercial, une carte SIM venant de Lettonie pourrait être exploitée en Irlande et un Irlandais pourrait dès lors téléphoner à Dublin au prix letton ». Avec la conséquence, poursuit-il, que l’entreprise lettone devrait régler sur le marché télécoms irlandais des prix plus élevés que ce qu’elle gagne. « En quelques jours, elle deviendrait insolvable ».

La Commission adresse son nouveau plan au Berec (Body of European Regulators for Electronic Communications), l’entité des régulateurs de télécommunications de l’Union européenne, afin de recueillir ses commentaires. Elle espère obtenir l’approbation des états membres d’ici la fin de l’année, ce qui devrait fixer au 15 juin la fin des charges d’itinérance dans l’UE.