C’est par la voie des réseaux sociaux WeChat et Sina Weibo que les autorités chinoises ont interpellé Nvidia à propos de l’existence de portes dérobées au sein de l'accélérateur H20 pour l’IA Ces dernières ont de nouveau pu être acheminées en Chine après la levée de l’interdiction d’exportation par l’administration Trump. Malgré les démentis de Nvidia sur les problèmes sécurité, les réseaux sociaux soulignent que « l'entreprise ne peut apaiser les inquiétudes des utilisateurs chinois et restaurer la confiance du marché qu'en fournissant des preuves de sécurité convaincantes, comme exigé lors de la convocation ».
L'escalade a commencé jeudi dernier lorsque l'Administration chinoise du cyberespace, la China’s Cyberspace Administration (CAC), a convoqué des représentants de Nvidia pour aborder les « graves problèmes de sécurité » liés aux capacités potentielles de suivi et d'arrêt à distance intégrées dans les puces H20. Elle a demandé des explications et des documents sur d’éventuels risques de sécurité relatifs aux portes dérobées présumées. « La cybersécurité est d'une importance capitale pour nous. Nvidia n'a pas de « portes dérobées » dans ses puces qui permettraient à quiconque d'y accéder ou de les contrôler à distance », a déclaré un porte-parole de la société.
La traçabilité des puces exportées au centre du débat
Parmi les scénarios d'exploitation potentielle des vulnérabilités des puces, le Quotidien du Peuple évoque un « véhicule à énergie électrique perdant soudainement de la puissance sur l'autoroute, ou l’écran noir pendant une opération chirurgicale d’un patient à distance ou l’arrêt soudain de la fonction de paiement par téléphone mobile à la caisse d'un supermarché ». Le media s’alarme du fait que « le risque de sécurité lié aux vulnérabilités et aux portes dérobées de ces puces pourrait entrainer des situations « cauchemardesques » à tout moment ». L'enquête de sécurité déclenchée par Pékin est directement lié à de récentes propositions législatives américaines exigeant que les puces d’IA avancées soient équipées de systèmes de localisation obligatoires.
Présenté le 8 mai 2025 par le sénateur Tom Cotton, le Chip Security Act est destiné à « empêcher les puces américaines avancées de tomber entre les mains d'adversaires tels que la Chine ». S’il était voté, il imposerait, dans les six mois suivant son entrée en vigueur, de soumettre les puces avancées à un contrôle des exportations en les équipant de mécanismes de vérification de localisation, et obligerait les exportateurs à signaler au Bureau de l'industrie et de la sécurité (BIS) tout détournement ou altération des produits. La déclaration des autorités chinoises fait référence aux « demandes des législateurs américains visant à ajouter des fonctionnalités de suivi aux puces avancées » et précise que « selon les experts américains en IA, les technologies de contrôle à distance liées aux puces de Nvidia ont atteint leur maturité ».
Les démentis de Nvidia, insuffisants pour la Chine
Le Quotidien du Peuple revient sur une déclaration de Nvidia où l’entreprise rappelle que « la cybersécurité est d'une importance capitale » pour elle et affirme que « ses puces n’ont pas de portes dérobées qui permettraient à quiconque d'y accéder ou de les contrôler à distance ». Cependant, le média d'État qualifie cette réponse d’insuffisante, soulignant que seules des « preuves de sécurité convaincantes » garantiraient le retour de la confiance. Le spécialiste des accélérateurs IA est sous pression pour trouver un équilibre entre les exigences de sécurité américaines et les demandes du marché chinois.
Lors de l'annonce de la reprise des exportations, le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, avait décrit l'accélérateur H20 comme le « quatrième meilleur » processeur de Nvidia. « Nous ne leur vendons pas nos meilleurs produits, ni nos deuxièmes meilleurs produits, ni même nos troisièmes meilleurs produits. » Le GPU H20 fait partie de la gamme de produits développés spécifiquement par Nvidia pour le marché chinois afin de répondre aux restrictions commerciales américaines. Le H20 est une version réduite de la puce Hopper, moins performante, mais avec une puissance de traitement suffisante.
Difficultés d'approvisionnement en puces
Cette confrontation met en évidence les tensions qui pèsent sur les chaînes d'approvisionnement en semi-conducteurs, essentielles au déploiement de l'IA dans les entreprises. Le Quotidien du Peuple a souligné que « la cybersécurité a non seulement un impact sur notre vie quotidienne, mais qu'elle est également vitale pour les entreprises et directement liée à la sécurité nationale ». Pour les responsables IT des entreprises, ce différend souligne la complexité de l'approvisionnement mondial en puces d’IA dans un contexte de tensions géopolitiques accrues.
Les entreprises opérant dans plusieurs régions pourraient avoir à réévaluer leurs stratégies d'approvisionnement en semi-conducteurs, car les exigences américaines en matière de suivi et les préoccupations chinoises en matière de sécurité redéfinissent la dynamique du marché. L'industrie des semi-conducteurs doit développer à la fois des produits qui satisfont aux exigences de contrôle des exportations américaines et aux normes de sécurité chinoises, un exercice d'équilibre qui pourrait avoir un impact sur les marchés mondiaux de l’IA.
130 Md$ de pertes dans le secteur des semi-conducteurs
Ce différend s'inscrit dans le contexte d'une concurrence technologique croissante entre les États-Unis et la Chine, qui remodèle les chaînes d'approvisionnement mondiales en semi-conducteurs. En octobre 2022, l'administration Biden avait mis en place des contrôles à l'exportation très stricts visant l'accès de la Chine aux semi-conducteurs de pointe, et ces restrictions ont été renforcées en octobre 2023 et décembre 2024. Selon le Center for Strategic and International Studies, l'annonce des contrôles à l'exportation en octobre 2022 a entraîné une perte de 130 milliards de dollars de capitalisation boursière pour les entreprises américaines de semi-conducteurs concernées.
La Chine a réagi en créant un fonds d'investissement de 47,5 milliards de dollars dans les semi-conducteurs en mai 2024, son troisième fonds de ce type au cours de la dernière décennie. Sous la seconde administration Trump, les droits de douane américains moyens sur les exportations chinoises ont atteint 54,9 % en août 2025, couvrant tous les produits. La Chine a riposté en imposant des droits de douane moyens de 32,6 % sur les exportations américaines. Le lancement en janvier 2025 par la start-up chinoise DeepSeek de modèles d'IA avancés rivalisant avec ceux d'entreprises américaines telles qu'OpenAI montre que malgré les restrictions, la Chine continue à innover. Nvidia n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

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