L’Union européenne place ses pions en matière de régulation. L’un de ses derniers règlements, le Digital Services Act (DSA), vise à moderniser et à harmoniser au sein du marché intérieur les législations nationales face aux risques et défis de la transformation numérique. Concrètement, le DSA s'applique aux plateformes en ligne et aux moteurs de recherche comptant plus de 45 millions d'utilisateurs dans l'Union européenne depuis le 25 août 2023. Il s'appliquera au reste des plateformes ainsi qu'aux intermédiaires en ligne offrant leurs biens, contenus ou services sur le marché européen à partir du 17 février 2024. Le règlement concerne ainsi les « fournisseurs de services intermédiaires en ligne » autrement dit les hébergeurs, les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les plateformes de voyage et d'hébergement ou encore les sites marchands. Pour aller plus loin dans l’application de la loi, la Commission a signé, cette semaine, des accords administratifs avec les autorités de régulation des médias de la France (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, Arcom) et de l’Irlande (Coimisiún na Meán). En s'appuyant sur ces deux autorités, Bruxelles espère appréhender au mieux toute forme de propagation de contenu rendu illicite par le DSA.

L’objectif de ce rapprochement avec ces deux autorités, en France et en Irlande, est d’obtenir leur aide pour « l'exercice des pouvoirs de surveillance et d'exécution conférés à la Commission par le règlement sur les services numériques » précise la Commission européenne dans un communiqué. « Le DSA nous donne les moyens de lutter contre la diffusion en ligne de contenus illicites et d’affronter les menaces qui pèsent sur notre sécurité publique et notre démocratie. Nous devons en faire pleinement usage. Je me félicite de ces premiers accords passés avec les régulateurs nationaux, qui pourront ainsi faire bénéficier la Commission de leur expertise pour évaluer les risques découlant des contenus illicites et préjudiciables sur les très grandes plateformes en ligne » a déclaré Thierry Breton, commissaire au marché intérieur. De son côté, l'Arcom a souligné que cet accord de coopération facilitera également les enquêtes de la Commission européenne sur les cas de non-respect potentiel du règlement. « À cette fin, l’accord fluidifie les échanges d’informations et d’analyses entre l’Arcom et la Commission européenne. L’Arcom apportera notamment à ce titre ses constats et son expertise spécifiques concernant les actions des grandes plateformes en ligne dans le contexte français ».

Réagir rapidement et de façon coordonnée à la propagation de contenu illicite

En s'entourant d'acteurs de la régulation dans différents pays, la Commission européenne espère une meilleure coordination des réactions des États membres. « Une coopération efficace facilitera l'évaluation par la Commission des risques systémiques et l'identification des risques émergents, en ce qui concerne notamment les risques liés à la propagation et à l'amplification de contenus illicites, ainsi que d'autres problèmes systémiques à traiter dans le cadre du DSA, tels que la désinformation ou la protection des mineurs », précise l’institution. Ce rapprochement avec les autorités de régulation des médias de la France et de l’Irlande n’a donc rien d’anodin. Au vu du contexte géopolitique qui inquiète d’autant plus les institutions européennes, la Commission européenne cherche à s’entourer d’un maximum de régulateurs pour contenir le flux d'images, vidéos, messages, et autres contenus considérés comme interdit.

Le régulateur français indique ainsi que « la première illustration concrète de cette coopération renforcée est le partage avec la Commission européenne, dès à présent, des premiers constats réunis par l’Arcom, en lien avec autorités administratives et les acteurs de la société civile, sur la modération des contenus liés au conflit au Moyen-Orient ». De son côté, Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence à la Commission commente : « Les terribles événements provoqués par l’offensive terroriste du Hamas ont exposé le monde à des vagues de contenus en ligne violents. Le règlement de l’UE sur les services numériques a fixé des règles et mis en place des instruments pour lutter contre la propagation rapide de ces contenus préjudiciables et souvent illicites sur les plateformes de médias sociaux et les services en ligne ». Et l’UE compte bien faire appliquer à la lettre ses règles.

Anticiper un calendrier chargé

D’autres arrangements de la sorte sont prévus dans les semaines et mois prochains, annonce la Commission. « Le service de la Commission chargé de la mise en œuvre et du contrôle de l'application du DSA, à savoir la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (CNECT), est en pourparlers avec d'autres régulateurs nationaux et organes de l'UE en vue de signer des arrangements administratifs similaires afin qu'ils l'aident, dans le cadre du DSA, à analyser les problèmes systémiques et émergents ». Notons par ailleurs que le 17 février 2024 est une date clé pour l’UE. À cette date un comité des coordinateurs pour les services numériques devra être mis en place dont les membre seront désignés par les États membres. Une fois le comité opérationnel, les arrangements administratifs comme celui annoncé cette semaine avec l’Arcom et la Coimisiún na Meán resteront en place, en soutien aux « relations entre les services de la Commission et les autorités nationales ».