En adoptant en commission le texte définitif du projet de loi anti-terroriste, les députés ont peut être bien ouvert la boîte de Pandore. Dans les tuyaux depuis plusieurs mois, le projet de loi 2110 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme présenté par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve - et qui doit être présenté devant les députés mi-septembre - prévoit en effet une disposition qui n'a pas manqué d'hérisser certains poils. Dont ceux de Christian Paul et de Christiane Féral-Schuhl, co-présidents de la Commission Numérique de l'Assemblée Nationale mise en place en février dernier.

En ligne de mire : L'amendement CL46 sur l'article 9 présenté par le rapporteur Sébastien Pietrasanta, qui autorise l'autorité administrative, en l'absence de retrait dans un délai de 24h par l'éditeur d'un site web diffusant du contenu faisant l'apologie d'actes terroristes, à faire procéder au blocage dudit site directement par les Fournisseurs d'Accès Internet. Mais également, en l'absence d'informations permettant d'identifier l'éditeur ou l'hébergeur du site concerné, d'ordonner aux FAI de bloquer le site sans qu'aucune demande préalable de retrait ait été effectuée. Des dispositions qui n'ont pas manqué de faire réagir la Commission Numérique.

« La Commission partage pleinement l'objectif du Gouvernement de lutter contre les contenus visés par le projet de loi mais s'inquiète néanmoins du fait que la notion d'apologie du terrorisme puisse être interprétée de façon extensive si sa réalité n'est pas soumise à l'appréciation préalable du juge judiciaire », a d'abord indiqué la Commission Numérique dans une recommandation communiquée mardi. « De manière générale, la Commission souhaite rappeler que le préalable d'une décision judiciaire apparaît comme un principe essentiel, de nature à respecter l'ensemble des intérêts en présence, lorsqu'est envisagé le blocage de l'accès à des contenus illicites sur des réseaux numériques. Non seulement ce préalable constitue une garantie forte de la liberté d'expression et de communication, mais il vise aussi à préserver la neutralité des réseaux. »

Procédure de retrait des contenus Vs blocage des sites 

Et la Commission Numérique d'enfoncer le clou : « La Commission rappelle qu'en l'état actuel des technologies, un même serveur pouvant héberger plusieurs contenus, les solutions de blocage sont susceptibles d'entraîner du sur-blocage, c'est-à-dire le blocage de contenus légaux autres que ceux visés, ce qui constitue une atteinte à la liberté d'expression et de communication de tiers [...] Il existe des techniques permettant de contourner chaque type de blocage de manière relativement simple comme l'utilisation de sites miroir, l'utilisation d'un proxy, le chiffrement ou le recours à un réseau privé virtuel. »

Compte tenu de ces éléments, la Commission Numérique estime que le retrait du contenu illicite auprès des hébergeurs, lorsque ces derniers sont coopératifs, doit être privilégié par rapport au blocage, mais qu'en présence d'hébergeurs non coopératifs, il est alors recommandé d'utiliser du blocage à titre subsidiaire et sur décision judiciaire.