La Mutualité sociale agricole (MSA) assure la couverture sociale de toute la population agricole et de ses ayants droit, soit 5,3 millions de bénéficiaires en 2021. De son côté, le GIE (groupement d'intérêt économique) iMSA, dirigé par Jacques Bouldoires, réunit l'ensemble des activités informatiques de la MSA. Il représente environ 1 200 collaborateurs et une dizaine de directions. Parmi celles-ci figure la direction Services & Innovation, confiée à Yannick Puget, qui compte près de 160 collaborateurs répartis sur six sites différents. Cette direction rassemble les équipes « services », qui gèrent la production IT de la MSA, les flux d'échange, l'ITSM, le help-desk et la cellule de crise, ainsi que les équipes « innovation », qui animent un laboratoire d'innovation, un programme d'intrapreneuriat et un studio UX/UI.

Afin de mieux accompagner la MSA dans ses différentes missions, le directeur général d'iMSA a souhaité transformer l'organisation du GIE, à travers l'adoption d'un modèle plus transversal, visant à rapprocher les services IT des utilisateurs et à décloisonner les métiers. C'est pour mettre en oeuvre cette transformation organisationnelle que la direction Services & Innovation a opté pour une approche de co-construction avec ses collaborateurs, avec une originalité : les participants à la démarche ont été tirés au sort.

Détecter des pépites

« Mon point de départ a été le lancement du programme d'intrapreneuriat en 2019, qui visait à donner des clefs aux collaborateurs. « Un moyen de créer de la valeur différemment en mettant en lumière les talents de nos équipes, où l'idée est portée, expérimentée et mise en production par une équipe pluridisciplinaire qui se crée pour l'occasion », explique Yannick Puget. « Quand nous avons dû transformer la direction, cette approche participative est apparue comme la bonne démarche pour comprendre le sens de la réorganisation et faire des collaborateurs les meilleurs ambassadeurs de cette dernière », poursuit le directeur Services & Innovation, qui souligne qu'on ne lance pas une telle transformation pour passer le temps, mais bien pour répondre à une finalité, à des attentes que les équipes doivent s'approprier. « Nous avons décidé de procéder avec un tirage au sort intégral parmi les fichiers RH. En effet, si on se contente de demander des volontaires, ce seront toujours les mêmes personnes qui lèveront la main », pointe Yannick Puget. De cette façon, dix personnes ont été désignées afin de co-construire ensemble la nouvelle organisation : cinq parmi les managers et cinq parmi les collaborateurs. « Au passage, peut-être que cette approche allait également permettre de détecter des pépites, des personnes pleines d'idées parmi les collaborateurs », ajoute le directeur.

L'organisation précédente reposait sur de nombreuses couches de management. « L'encadrement est nécessaire, mais il faut aussi des personnes qui font », observe Yannick Puget, pointant un travers fréquent dans les métiers IT. « Durant longtemps, l'évolution vers le management était la seule trajectoire de carrière proposée. On considérait qu'un bon expert serait un bon manager », fait-il observer. Pour lui, il faut deux filières de carrière, l'une technique, où les collaborateurs peuvent évoluer vers des postes comme tech lead ou développeur senior ; l'autre managériale pure, « car on ne gère pas l'humain une heure par jour, entre 19h et 20h. »

Deux filières de carrière, technique et RH

L'équipe tirée au sort a permis de faire le plein d'idées, avec des collaborateurs qui autrement n'auraient pas envisagé de se porter volontaires. Yannick Puget mentionne par exemple une collaboratrice basée sur un autre site que lui, qui a réussi à capter des aspects informels complexes. « Nous avons co-construit une organisation que je n'aurais pas dessinée ainsi de moi-même », confie-t-il. D'une vingtaine de managers, la direction est passée à cinq aujourd'hui. « Nous avons regardé avec chacun d'eux ce qui les faisait vibrer sur le plan professionnel : cinq ont choisi les RH, les quinze autres la technique », relate Yannick Puget. Les managers RH consacrent désormais 100% de leur temps à la gestion RH, avec un rôle entre le coach et le modèle anglo-saxon du servant leader. Ils effectuent le suivi des compétences, le pilotage des plans de formation, et ils gèrent également les congés et astreintes dans les outils, en se répartissant les collaborateurs. Sur le volet technique, des techs leads supervisent les équipes en se concentrant sur la qualité de service et l'organisation opérationnelle, tout en étant déchargés des tâches de management RH. Ils travaillent également avec un product manager sur la stratégie de long terme.

« J'ai désormais deux collectifs sous ma responsabilité, l'un de managers RH et l'autre de tech leads. De trois adjoints, je suis passé à dix collègues. Cela permet à l'information d'arriver plus vite jusqu'aux équipes, avec plus de fluidité, en cassant les codes de la direction inaccessible », observe Yannick Puget. Celui-ci a d'ailleurs des espaces réservés dans son agenda, afin que ses collaborateurs puissent prendre rendez-vous avec lui en un clic en cas de besoin.

Des indicateurs pour faire un bilan

Cette organisation circulaire, en place depuis le 1er avril, vit aujourd'hui ses premiers mois. Les équipes sont organisées en plateau autour de grandes thématiques : cloud, centre de services ITSM, supervision, exploitation, etc. « Nous affinons le fonctionnement et le modèle au fur et à mesure, en acceptant que nous n'ayons pas une réponse à toutes les questions dès le départ. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous faisons ce en quoi nous croyons », affirme Yannick Puget. Tous les mois, un forum est d'ailleurs organisé pour répondre aux questions et aux interrogations des collaborateurs.

Un premier bilan est prévu entre six mois et un an : un engagement pris auprès du CSE (comité social et économique) afin de voir si la nouvelle organisation apporte des améliorations, tant sur le plan humain qu'en termes d'efficience. Si cette dernière peut facilement se mesurer à l'aide de KPI, sur le volet humain la direction dispose également d'indicateurs. « Nous avons mis en place un outil pour voter tous les trois mois sur différents thèmes, en lien avec le management et la direction : la formation, l'agilité, l'opinion sur l'entreprise, le caractère équitable des salaires... », indique Yannick Puget. À ce jour, les résultats de ces enquêtes, ainsi que d'autres indicateurs, tel le fait que la direction soit épargnée par le phénomène de grande démission, témoignent plutôt d'une confiance des collaborateurs dans la nouvelle organisation.

Une démarche pour recréer de l'engagement

De cette expérience, Yannick Puget a tiré certains enseignements. Pour qu'une telle démarche fonctionne, il faut d'abord selon lui accepter qu'il puisse y avoir d'autres voies que celles auxquelles il aurait pu penser. « Cela permet que les collaborateurs s'approprient l'organisation. Avant de devenir un GIE, iMSA a vécu plusieurs transformations. Au bout d'un certain nombre, il fallait recréer de l'engagement », observe-t-il. Il estime également que la co-construction n'est pas la réponse à tout, « mais que quand il le faut, c'est sécurisant. » Cette approche participative a également d'autres avantages, non des moindres, comme le fait de détecter des talents ou de rassurer les CSE. Enfin, selon Yannick Puget cela introduit de la démocratie dans l'entreprise. « Si certains participants avaient un franc-parler, la démarche a permis de discuter, de voter quand il y avait plusieurs propositions différentes », illustre-t-il.

Au sein des autres directions du GIE, certaines ont également déployé une organisation horizontale, sans recourir au tirage au sort. C'est notamment le cas d'une partie des directions métiers, qui ont adopté un fonctionnement basé sur SAFe (Scaled Agile Framework). D'autres sont intéressées, mais n'ont pas franchi le pas pour le moment, tandis que quelques-unes conservent un fonctionnement plus traditionnel.