Après le séisme, les marchés s'inquiètent d'éventuelles répliques ou d'une contagion. L'origine du drame a pour nom Silicon Valley Bank et a été mise en faillite par les autorités américaines. En fin de semaine dernière, l'établissement considéré comme la banque des start-ups a suscité des inquiétudes auprès de ses clients sur ses liquidités au point de faire face à une demande de retraits massifs (pas loin de 42 milliards de dollars). Cette banque, qui alimente un grand nombre de fonds d’investissement - dont Andreessen Horowitz, Pantera, Paradigm - avait placé 91 milliards de dollars de ses dépôts dans des titres à long terme tels que les bons du Trésor américain, considérés comme sûrs mais dont la valeur a diminué en raison de la hausse des taux pour contrôler l’inflation.

La California Department of Financial Protection and Innovation (DFPI) – en charge de la réglementation d’une variété de services, d'entreprises, de produits et de professionnels financiers – a alors pris le contrôle formel de la Silicon Valley Bank, après l'avoir déclarée insolvable. La main est ensuite passée à la Federal Deposit Insurance Corporation qui prend le relais en autorisant uniquement le retrait de 250 000 dollars par épargnant ou investisseur. Ce montant, qui correspond au seuil de garantie légale aux États-Unis, représente une bouchée de pain pour les clients. Dimanche, l’affaire a connu un autre rebondissement. Les autorités américaines ont en effet tranché, espérant limiter les dégâts avant l’ouverture des marchés ce lundi 13 mars.

Les autorités américaines espèrent limiter la casse

Dans un communiqué conjoint, la banque centrale américaine (FED), le Trésor américain, et la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) ont déclaré la protection totale de l’ensemble des déposants. « Ils auront accès à la totalité de leur argent à partir du lundi 13 mars. Aucune perte associée à la résolution de la Silicon Valley Bank ne sera supportée par le contribuable ». Pour rappel, la SVB, créée en 1983 et employant 6 500 personnes, est spécialisée dans l'écosystème des start-ups IT et finance du capital-risque avec les dépôts de ses clients. Cependant, la SVB comptait parmi ses clients des entreprises et start-ups américaines mais aussi étrangères. N’ayant plus accès à leurs fonds, ces dernières risquaient de faire faillite rapidement.

Depuis, un vent de panique souffle sur Wall Street entraînant une baisse des principales valeurs bancaires, et l’Europe n’est pas épargnée. Selon Bloomberg, la société de capital-risque Founders Fund de Peter Thiel, qui est l'un des co-fondateurs de PayPal et l'un des premiers investisseurs de Facebook, et d'autres acteurs du secteur ont immédiatement conseillé aux start-ups de retirer leurs fonds de la SVB. De nombreux témoignages ont alors afflué sur Twitter, à l’instar de celui d'Alexander Torrenegra, CEO de Torre, spécialiste du recrutement et proposant un réseau mondial d’offres d’emploi. Il indique ainsi que « la Silicon Valley Bank était la banque principale de deux de nos entreprises, de mes économies personnelles et de mon prêt hypothécaire » et revient en détails sur le déroulement de ce que l’on pourrait qualifier des derniers jours de SVB.

La Signature Bank connaît le même sort

Dans le même temps, une deuxième banque américaine est en faillite ; il s’agit de la Signature Bank (SB) à New York. L’affaire a commencé mercredi soir avec l’annonce de la mise en liquidation de l’établissement et a été confirmée par la suite par les autorités américaines. « Nous annonçons également une exception similaire au titre du risque systémique pour la Signature Bank, New York, qui a été fermée aujourd'hui par son autorité de tutelle. Tous les déposants de cette institution seront indemnisés. Comme dans le cas de la Silicon Valley Bank, aucune perte ne sera supportée par le contribuable » indiquent conjointement la (FED), le Trésor américain, et la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation).

La Signature Bank était notoirement connue pour son financement de l’industrie de la cryptomonnaie et la plus importante après Silvergate Capital Corp qui a annoncé sa liquidation imminente la semaine dernière. Elle était utilisée par de nombreuses entreprises du secteur comme Coinbase ou Paxos. Les clients de la SVB et SB doivent donc avoir accès à leurs dépôts dès aujourd’hui. Notons toutefois que les actionnaires et certains détenteurs de créances non garanties ne seront pas protégés. « Les dirigeants ont également été démis de leurs fonctions », précise le communiqué.

Effet domino sur les banques ?

Un tel événement ne peut être sans conséquence pour le reste du marché. Ainsi, First Republic Bank, dont le siège est à San Francisco, a chuté de 15 % après avoir atteint son plus bas niveau depuis octobre 2020. De son côté, l'ETF bancaire régional SPDR S&P a chuté de plus de 7 % à son plus bas niveau depuis janvier 2021. Les grandes banques américaines ont également été touchées, avec JPMorgan et Bank of America toutes deux en baisse de plus de 5 % annonce Reuters. « De nombreux investisseurs institutionnels ne se sentent pas très bien à l'idée de posséder certaines participations dans les banques en ce moment », a déclaré RJ Grant, responsable du trading chez Keefe, Bruyette & Woods à New York. « Cela fait paniquer les gens parce que la Silicon Valley Bank a toujours été une banque très solide et bien gérée. S'ils ont des problèmes en ce moment, les gens se demandent ce qu'il en est des autres banques qui sont de moindre qualité et qui ont une moindre réputation » ajoute-t-il.

Une bonne nouvelle est toutefois tombée. HSBC a racheté la branche britannique de la Silicon Valley Bank pour une livre symbolique, se dressant ainsi en chevalier blanc. L’annonce a été accueillie positivement par les ministres du gouvernement britannique, les régulateurs et les start-ups, qui ont déclaré que les clients pourraient effectuer leurs opérations bancaires normalement. Interrogé par Reuters, le ministre britannique des Finances, Jeremy Hunt a déclaré : « HSBC est la plus grande banque d'Europe, et les clients britanniques de SVB devraient se sentir rassurés par la solidité, la sûreté et la sécurité que cela leur apporte ». Ailleurs en Europe, les actions du continent ont chuté, en bonne voie pour connaître leur pire journée en près de trois mois. L'indice paneuropéen STOXX 600 – composé de 600 des principales capitalisations boursières européennes – a pour sa part chuté de 4,3 % et a enregistré sa plus forte baisse en pourcentage en décembre 2022. Commerzbank AG et Credit Suisse Group AG ont respectivement chuté de 12 % et près de 11 %, les prêteurs britanniques, italiens et espagnols ayant également chuté.

Le marché asiatique semble également exposé. De nombreux fonds chinois et start-ups sont en danger à la suite de la faillite de SVB, la banque étant un pont de financement clé pour les groupes opérant entre la Chine et les États-Unis, a rapporté dimanche le Financial Times. De son côté, la joint-venture chinoise de SVB a déclaré samedi qu'elle avait une structure d'entreprise solide et un bilan géré de manière indépendante.