Jeunes pousses elles étaient, licornes elles sont devenues. La French Tech a acquis une certaine maturité, c’est certain. Près de 12 milliards d’euros (11,57 milliards d’euros) ont été levés en 2021 par les start-ups françaises. Cela ne représente pas moins de 784 opérations, « Soit des augmentations de 26% en volume et de 115% en valeur par rapport à 2020 » commente Franck Sebag, associé chez EY, au sujet du baromètre annuel d’EY du capital risque en France. En moyenne, les jeunes pousses françaises ont levé 14,76 millions d’euros. On note une légère hausse au second semestre, avec 5,14 milliards d’euros levés au S1 contre 6,43 milliards d’euros au S2.

22 tours de table supérieurs à 100 millions d’euros ont été réalisés cette année, une forte augmentation face aux 9 réalisés en 2020. Les investissements restent toutefois majoritairement concentrés dans trois régions que sont l’Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et l’Occitanie. « La région Île-de-France représente 80 % des investissements en valeur sur l'année 2021. Auvergne-Rhône-Alpes conserve sa 2e place avec 5,8% des investissements en valeur, suivie de près par la région Occitanie qui arrive à la 3e place avec 4,6% » note EY dans son baromètre 2021.

Les start-ups ont levé 11,57 milliards d'euros en 2021 pour 784 opérations. (Crédit : EY)

21 licornes françaises pour 2021

Dans le lot, 12 licornes françaises ont émergé courant 2021, réparties entre quatre domaines : la fintech, les services internet, les sciences de la vie et les logiciels et services informatiques. On retrouve l’assurtech Alan, spécialisée dans l’assurance santé (185 M€ levés),Ledger (312 M€), Lydia (103 M$), Sorare (586 M€) et Swile (200 M$) au sein de la fintech, faisant exploser les investissements dans ce secteur. La fintech est désormais reconnue comme le secteur ayant le plus progressé entre 2020 et 2021, passant de 622 M€ à 2,5 Md € d’investissements, soit presque 310% d’augmentation. Le classement d’Alan et Sorare dans les fintech laisse toutefois perplexe, quand on sait que ces deux dernières sont loin de bouleverser le monde de la finance et de la technologie. Même si l’on peut accorder à Sorare son caractère innovant, elle se rapproche plus des services internet (e-commerce).

Les services internet, la fintech et les logiciels et services numériques constituent le top 3 des investissements en 2021. (Crédit : EY)

Côté services internet, 4 licornes ont émergé : Back Market (276 M€ levés), IAD (300 M€), ManoMano (323 M€), et Vestiaire collective (356 M€). Il s’agit du secteur qui attire le plus les investisseurs, passant ainsi de 1,4 Md€ d’investissements en 2020 à 3,925 Md€ en 2021, soit une augmentation de 180%. Autre secteur classé dans le top 3 des secteurs les plus attractifs, les logiciels et services informatiques. Ce dernier a augmenté de plus de 50%, passant de 1,42 Md€ investis en 2020 à 2,161 Md€ en 2021. Deux licornes sont ainsi apparues cette année : Contentsquare (408 M€) et Shift technology (220 M$). Une autre start-up, Dental Monitoring, rejoint le cercle très prisé des licornes avec 129 M€ levés en 2021. La plateforme de consultation dentaire en ligne est la dernière de l’année à rejoindre le club.

Preuve de leur cote auprès des investisseurs, Sorare, Mirakl, Contentsquare, ManoMano et Ledger forment le top 5 des investissements (par ordre décroissant de fonds levés). Certains des investisseurs ont d’ailleurs vu juste, misant sur plusieurs chevaux, à l’exemple de Softbank, Felix Capital, Eurazeo Growth, ou encore Bpifrance. « On a un renouveau de l’industrie qui passera par l’innovation » précise Franck Sebag, ajoutant que le dernier exemple en date, l’annonce de 335 millions de dollars levés par Exotec, le prouve bien.

Un retard considérable face au reste de l’Europe

Il convient de relativiser lorsque l’on regarde l’ensemble des investissements ayant eu lieu en France par comparaison avec les levées de fonds réalisées en Europe, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni ou encore en Suède. Un comparatif établi par EY indique que le Royaume-Uni est en tête avec un total de 32,4 Mds € levés en 2021 (+ 155% par rapport à 2020). L’Allemagne se place en seconde position avec 16,2 Mds € levés (+ 209% par rapport à 2020). La France arrive troisième du classement avec les chiffres cités ci-dessus. EY établit une corrélation entre l’augmentation des investissements en France et les « efforts de l’exécutif vis-à-vis de l’innovation ».

Franck Sebag précise qu’ « au cours de ces dernières années, la France a clairement réussi à changer son image auprès des investisseurs étrangers. De fait, on ne compte plus aujourd’hui le nombre de fonds internationaux qui considèrent l’Hexagone comme une zone prioritaire d'investissement ». Cela se traduit par une présence massive de ces fonds comme on a pu le noter précédemment dans les tours significatifs. La Suède et les Pays-Bas suivent le sillon de la France avec respectivement 7,61 Mds € levés en 2021 (+ 148% par rapport à 2020) et 5,86 Mds € (+ 219%). Ce classement est identique lorsque l’on fait un focus sur les levées de fonds les plus significatives, c’est-à-dire au-delà de 100 millions d’euros. Le Royaume-Uni est largement en tête avec 22,03 Mds € levés en 2021 (contre 6,52 Mds € en 2020), suivie par l’Allemagne avec 11,70 Mds € récoltés cette année (contre 2,67 Mds €) et la France, troisième, avec 7,04 Mds € levés en 2021 (contre 2,45 Mds €).

Un écosystème qui fait notre souveraineté ?

L’écosystème français pourrait cependant passer en tête du classement s’il poursuit sur sa lancée après pas moins de cinq levées de fonds annoncées depuis le 1er janvier 2022. PayFit a attiré 254 M€ le 6 janvier, Ankorstore 250 M€, Qonto 486 M€, Back Market 450 M€ et Exotec, fraîchement accueillie au sein du club des licornes françaises après une levée de 293 M€. La French Tech a donc ajouté 4 licornes en son sein en l’espace de quelques jours, portant son nombre à 25. Avec plus de 1,7 milliard d’euros levés, le premier semestre 2022 promet d’être radieux.

Le président de la République, Emmanuel Macron, n’a pas manqué de saluer cette annonce, marquant le coup pour le chiffre 25 qu’il espérait voir arriver d’ici 2025. « C’est aussi l’atteinte de l’objectif que nous avions posé en 2019 alors même que nous n’en comptions qu’une poignée, on nous disait que c’était impossible et qu’au fond, la start-up nation c’était du vent » a-t-il déclaré. Félicitant l’initiative France 2030 mais aussi la French Tech, il a précisé de nouveaux objectifs pour l’écosystème français, à savoir « 10 géants de la tech d’ici 2030 au niveau européen » dans le cadre du plan Choose France.