Le paradoxe Français est visible depuis plusieurs décennies, nous n’arrivons pas à bâtir des géants mondiaux en technologies de l’information. Quand les autres pays évoquent les GAFA ou NATU pour les Etats-Unis ou BATX* pour la Chine, on cherche ceux qui pourraient commencer un tel acronyme chez nous. Il y en a pourtant et la France, riche d’ingénieurs de talents, a vu quelques belles pépites se développer comme Dassault Systèmes ou Criteo.

Côté stockage de données, la France est toutefois loin derrière les Etats-Unis et Israel avec des acteurs comme Cohesity, Rubrik, Infinidat, Veeam (exception Suisse) ou même DDN, toutes labellisées licorne et déjà d’autres pointent leur nez comme E8 Storage, Qumulo ou WekaIO, certes encore petits mais avec de vraies innovations technologiques sur la table. Je ne cite même pas Dropbox dorénavant côté en bourse tout comme Box.

Où sont les champions français du stockage

Nous n’avons aucun champion dans ce secteur, axe pourtant déclaré stratégique aux dires du gouvernement. Par stratégique, on entend une identification de quelques acteurs estimés clefs et une volonté de contrôle par l’état de potentiels investisseurs pour éviter toute fuite du savoir français, conserver un avantage concurrentiel et une souveraineté nationale. Nous avons tous en tête l’intervention misérable pour Daily Motion avec Yahoo! et les initiatives de clouds souverains - Cloudwatt et Numergy - alors qu’OVH existait, tout ça bien sûr avec les deniers du contribuable.

Et c’est problématique, aucune des 10 sociétés françaises dans le stockage n’a d’envergure mondiale et la somme de leur chiffre d’affaires dépasse à peine les 100 millions de dollars. Soit peanuts à 10. Certaines sociétés sont parties tenter un développement à l’international mais ont vite réalisé que les acteurs locaux ne les attendaient pas; d’autres envisageaient une IPO au Nasdaq, le graal pour certains, mais la réalité les a aussi rattrapé. On assiste à des tentatives de pivot léger, quelques uns sont si petits qu’ils n’arrivent pas à lever des fonds, certains se sont déjà même fait absorbés par des sociétés étrangères et les derniers vivotent en mode zombie. Nous aurions tendance à nous demander ce que font les structures étatiques ? Si le sujet est si stratégique, pourquoi si peu d’investisseurs français s'intéressent à ce marché.  Et c’est d’autant plus vrai avec le Règlement Général de Protection des Données Personnelles ou RGPD qui pourrait permettre à certains acteurs de se distinguer.

Déjà trop tard ? 

Alors que faire ? Essaimer davantage, croire en nos acteurs même de petites tailles, éviter les préférences et pourquoi pas marier certains acteurs complémentaires pour constituer un acteur significatif au moins au niveau Européen. Dur pour les égos, mais la France veut-elle vraiment jouer un rôle sur ce marché ? L'exemple de Snowflake Computing, éditeur de solutions logicielles pour les entrepôts de données pensés pour le cloud créée par 2 français dans la Silicon Valley, est édifiant. La société fondée en 2012 a déjà levé 472 millions de dollars, bien loin de tout ce qui est possible dans l'hexagone, et est en passe de devenir un champion du Big Data orienté cloud. Sur le marché du stockage, c’est aujourd'hui chacun pour soit, et les objectifs des fondateurs se heurtent aux désirs gouvernementaux quand ils existent, aucune synergie se dégage et c’est bien dommage car c’est bien connu : « En France on a des idées… »

* GAFA = Google Apple Facebook Amazon, certains ajoutent Microsoft, NATU = Netflix Airbnb Tesla Uber et BATX = Baidu Alibaba Tencent Xiaomi