Après une phase de découverte - mais aussi de retards à l'allumage -, les entreprises aussi bien que les collectivités enchainent les unes après les autres des projets cloud de plus en plus ambitieux. Pour accompagner le mouvement, les fournisseurs de services cloud multiplient les offres et se livrent une guerre sans merci aussi bien sur le terrain du IaaS, du PaaS que du SaaS. Un développement qui porte haut les ambitions du marché du cloud en Europe dont les perspectives sont plus que prometteuses.

Selon les derniers chiffres d'un rapport mené par KPMG pour le compte de Talan, InfraNum, OVHcloud et Linkt, le marché du cloud européen devrait rien que cette année progresser de 10 milliards d'euros, passant de 53 Md€ en 2020 à 63 Md€. Une belle performance mais le meilleur reste à venir : en 2027, il devrait atteindre près de 260 milliards d'euros voire même les 560 Md€ à horizon 2030. Rapporté au niveau mondial, le marché cloud en Europe pèse aujourd'hui près de 20% de la totalité du marché. Reste toutefois à savoir si ces chiffres ne sont pas légèrement sur-évalués. A titre de comparaison, rien que pour l'année écoulée, le cabinet Synergy Research évaluait ainsi le marché du cloud en Europe à « seulement » 23 Md€. Si on comprend bien que la méthodologie d'étude n'est pas la même, il faut quand même garder un peu de recul sur tous ces chiffres.

Ecosystème cloud en Europe

L’écosystème cloud Européen semble très dense, avec une grande variété d’acteurs, qui ne sont pas uniquement des fournisseurs de cloud généralistes, indique KPMG dans son étude. (crédit : KPMG)

82% des décideurs IT ont accru leur usage du cloud avec la pandémie

La base de progression de l'évolution du marché du cloud en Europe est quoi qu'il en soit solide. Elle s'appuie non seulement sur des projets menés depuis de longs mois aussi bien sur des périmètres d'activité métier non critiques - mais aussi de plus en plus critiques - que par effet d'opportunisme. Ces derniers mois, la pandémie mondiale et l'essor du télétravail ont ainsi sensiblement dopé le recours aux solutions cloud et accéléré d'autant les migrations. Sur les 250 décideurs IT interrogés par KPMG, 82% font état d'un accroissement de leur utilisation du cloud suite à la pandémie tandis que 55% ont recouru davantage à des outils collaboratifs cloud.

Tous les segments de marché du cloud devraient profiter de cet engouement sur les années à venir, aussi bien le SaaS (+25%), le PaaS (+36%) que le IaaS (+28%). Selon la définition de KPMG, le marché du cloud computing englobe les dépenses des entreprises liées au déploiement du cloud, aux logiciels, aux investissements dans les infrastructures et aux services rattachés au cloud. A horizon 2027, le cabinet estime de 550 à 600 000 emplois créés pour répondre aux besoins du marché et des projets cloud et ce pour des profils variés (développeurs, analyste de données, commerciaux,...). Dans les années à venir, les principaux domaines dans lesquels les fournisseurs cloud vont investiront jusqu'à 200 milliards d'euros, on trouve en particulier l'efficacité énergétique, les systèmes en environnement datacenters tournant sur des chipsets ARM ainsi que l'IA dans des secteurs verticaux comme la santé et en particulier la recherche de médicaments.

Des évolutions réglementaires difficiles pour les acteurs européens

« Depuis 2016, les nouvelles réglementations sur les données aux États-Unis et dans l’UE ont un impact fort sur le marché du cloud computing », indique par ailleurs KPMG. « La réglementation américaine en vigueur apparaît fondamentalement irréconciliable avec les principes du RGPD européen, qui visent à protéger les données à caractère personnel des citoyens de l’UE ». Sur ce point, ce ne sont pas les offres labellisées Gaia-X - même étrangères et donc américaines mais aussi chinoises - censées répondre à des critères de souveraineté, sécurité et gouvernance en matière d'exploitation et de traitement des données - qui pourraient aider les entreprises à y voir plus clair. Et ce alors que la compréhension des enjeux réglementaires des décideurs IT - mais aussi métiers (juridique, marketing,...) ainsi que de la direction générale - est loin d'être évidente. Si selon KPMG 58% des répondants estiment connaitre parfaitement les réglementations européennes et plus particulièrement le RGPD, il en va bien autrement du Cloud Act (27%) et de l'invalidation du Privacy Shield (13%).

Les résultats de l’enquête KPMG montrent que les décideurs s’attendent à un renforcement de la réglementation, qui pourrait les faire basculer vers les prestataires cloud européens. A la question « vous attendez-vous à un renforcement de la réglementation européenne dans les 3 à 5 prochaines années ? », 28% des répondants en sont ainsi persuadés. Pour autant ils ne sont que 13% à indiquer comme très probable le fait que leur entreprise soit susceptible de faire évoluer son choix vers un fournisseur de cloud européen pour des raisons juridiques et/ou marketing dans les 3 prochaines années. Les voies du cloud - surtout européen - sont décidément bel et bien impénétrables.