David Heinemeier Hansson, co-fondateur et CTO du fournisseur SaaS 37signals, abandonne les infrastructures mutualisées du cloud computing et souhaite que tout le monde le sache. Dans une série de blogs, M. Hansson a contesté ce modèle commercial et réfuté les hypothèses associées au cloud computing tout en faisant valoir que la consolidation des ressources chez les hyperscalers n'est pas nécessairement une bonne chose. Il peut sembler contre-intuitif pour un fournisseur de travailler en mode SaaS et de suggérer à d'autres entreprises de reconsidérer leurs investissements dans le cloud. David Heinemeier Hansson, le créateur de Ruby on Rails, a-t-il déraillé ? Son argument est fort simple : en supprimant les charges de travail hébergées AWS, pour acheter des serveurs chez Dell et gérer son entreprise à partir d'un datacenter en colocation, il économisera des millions de dollars. « Nous avons beaucoup utilisé les cloud d'Amazon et de Google. Nous avons fonctionné sur des instances bare metal virtuelles, nous avons utilisé Kubernetes. Nous avons vu tout ce que le cloud a à offrir et en avons essayé la plupart des options. Il est enfin temps de conclure : les serveurs en mode souscription sont (surtout) une mauvaise affaire pour les entreprises de taille moyenne à croissance stable comme la nôtre. Les économies promises avec la réduction de la complexité ne se sont jamais concrétisées. Donc, nous faisons nos plans pour organiser notre départ du cloud. Ce dernier a tout son sens pour le commerce de détail et les entreprises qui connaissent des pics de trafic spectaculaires ».

Après tout, c'est ainsi qu'AWS a vu le jour en premier lieu, lorsqu'Amazon a créé une capacité excédentaire pour la saison des fêtes, puis a décidé de commencer à louer ce matériel inactif. Mais les charges de travail doivent être « super bursty », explique Hansson. Il affirme que pour la majorité des entreprises dont les charges de travail sont relativement stables, si vous dépensez des sommes importantes dans le cloud et que vous n'envisagez pas de comparer votre facture souscription à un modèle d'achat de serveurs plus traditionnel, « vous êtes un peu téméraire ».

Un calcul à faire

37signals vend deux offres SaaS : Basecamp, une application de gestion de projet lancée en 2004, et HEY, un service de messagerie premium commercialisé en 2020. Basecamp était principalement géré à partir d'installations de colocation, et HEY était entièrement basé sur le cloud, jusqu'à ce que David Heinemeier Hansson commence à s'intéresser aux coûts. L'entreprise a dépensé 3,2 M$ en services cloud AWS en 2022 ; avec un peu moins d'1 M$ en stockage S3 et 2,3 M$ restants sur les applications, les systèmes de cache, les base de données, l'indexation, etc. en 2024. « Après de nombreuses délibérations, de nombreux tests de performance et un réel emballement devant la vitesse des puces Zen4 d'AMD combinées aux SSD NVMe PCIe 4, David Hansson explique qu'il a commandé des serveurs Dell pour un montant de 600 000 $. Amorti sur cinq ans, cela revient à environ 120 000 $ par an pour l'infrastructure serveurs. Il dépense 60 000 $ supplémentaires par mois (720 000 $ par an) pour huit racks dédiés dans deux datacenters exploités par un fournisseur de colocation nommé Deft.

« Nous avons délibérément sur-approvisionné notre espace, afin que nous puissions réellement installer tous ces nombreux serveurs dans les racks existants sans avoir besoin de plus d'espace ou de puissance », ajoute David Hansson. Ses dépenses totales s'élèvent à 840 000 $ par an, contre 2,3 M$ dans le cloud, pour une économie nette d'environ 1,5 M$ par an, soit 7 M$ sur cinq ans. « Et nous aurons un matériel beaucoup plus rapide, beaucoup plus de cœurs, un stockage NVMe incroyablement moins cher et une capacité d'extension à très faible coût », ajoute-t-il. David Heinemeier Hansson dit qu'il a déjà commencé à migrer ses applications hors de la plate-forme AWS et s'attend à ce que le processus soit terminé au cours de l'été. Il ajoute que la migration proprement dite n'est pas une tâche simple. Son équipe a dû créer ses propres outils pour s'assurer que les principales fonctionnalités et innovations intégrées à ses applications seraient transférées sur le nouveau matériel et fonctionneraient avec les mêmes performances. La complexité de comprendre les rouages ​​​​du rapatriement des applications soulève la question de savoir si l'expérience d'un fournisseur SaaS comme 37signals, avec une liste d'employés débordant d'expertise technique, est applicable à une entreprise moyenne.

Des interrogations et des réponses

David Heinemeier Hansson a été très actif sur les réseaux sociaux, engageant des conversations sur ce sujet. Il semble avoir une réponse à chaque souci. Qu'en est-il de la maintenance, du suivi, des opérations ? Quid du besoin d'embaucher plus de personnel informatique pour faire fonctionner ces serveurs ? Le directeur technique soutient qu'il n'aura pas besoin d'ajouter de postes à son personnel d'exploitation de 10 personnes. Il dit que les équipes informatiques peuvent gérer à distance les serveurs, peu importe où ils fonctionnent. Il poursuit en disant que les hyperscalers ont fait valoir que le passage au cloud permettrait aux entreprises de réduire leur équipe informatique, mais le CTO affirme que ces économies ne se matérialisent jamais. Que se passe-t-il si un serveur tombe en panne ? La réponse de M. Hansson peut sembler désinvolte, mais il dit qu'il suffit d'en acheter un nouveau. Il souligne qu'il exploite actuellement des serveurs qui ont six, voire sept ans (avec Basecamp), ce qui signifie qu'ils ont été entièrement payés et fonctionnent toujours. « Nous les exploitons jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus fonctionner, puis nous les mettons à jour », dit-il. Qu'en est-il de la sécurité ? « Que vous exécutiez vos applications sur du matériel loué ou sur le vôtre, vous devez vous soucier de la sécurité », fait-il savoir. Et en termes d'installation, de configuration, etc. ? Dell livre les serveurs directement au fournisseur de colocation, l'équipe Deft les configure avec la connectivité, l'alimentation, etc., et son équipe ne touche jamais au matériel.

Pour David Heinemeier Hansson, de nombreuses entreprises ont géré leurs propres serveurs pendant des décennies avant l'arrivée du cloud. Mais les serveurs actuels sont plus fiables, plus automatisés et plus faciles à gérer que par le passé. « Vous n'avez pas besoin de connaître les secrets du feu pour le faire », dit-il. Et pour être clair, il ne suggère pas que les entreprises construisent leurs propres datacenters - il préconise simplement d'acheter des serveurs plutôt que de les louer.

Le cloud en ligne de mire

David Heinemeier Hansson a déclaré que lorsqu'il parle aux gens de sa décision, la première hypothèse qu'il doit contester est l'idée que le cloud est l'avenir et que si vous n'êtes pas dans le cloud, alors vous manquez en quelque sorte le bateau ou vivre dans le passé. M. Hansson dit qu'il a essayé de lutter contre ce récit loin des évangélistes du cloud. Une autre hypothèse est que le cloud est en quelque sorte neutre vis-à-vis du fournisseur, qu'il n'y a pas de verrouillage. La réalité est très différente avec des hyperscalers proposant des tarifs plus bas aux clients qui signent des contrats de stockage pour des périodes plus longues. Et chaque fournisseur de cloud dispose de ses propres outils, de sorte qu'une entreprise disposant d'un environnement cloud hybride ou multicloud est confrontée à la complexité de l'apprentissage d'un ensemble de compétences différentes pour chaque plate-forme. David Heinemeier Hansson met également les entreprises au défi d'enquêter sur les baisses de prix spectaculaires du stockage et les augmentations spectaculaires des performances associées aux processeurs disponible aujourd'hui. Il dit que les fournisseurs de services cloud ne transmettent pas ces gains d'efficacité en matière de serveur et de matériel de stockage au client ; au lieu de cela, ils maintiennent des marges bénéficiaires élevées.

Pour les entreprises qui veulent s'engager sur de tels projets, David Heinemeier Hansson recommande cette approche : « Je commencerais simplement par soulever la discussion en interne. Quel est notre type d'activité ? S'agit-il d'une activité très volatile qui connaît d'énormes fluctuations ? S'agit-il d'une entreprise en phase de démarrage qui peut tout à fait se passer d'une équipe d'exploitation ? Ou sommes-nous peut-être au milieu, comme 37signals, où nous ne dépensons peut-être pas encore 3 M$ par an comme eux, mais où nous dépensons peut-être déjà 1 M$ par an ou même un demi-million ? »

Selon lui, les entreprises devraient se poser les questions suivantes : « Combien cela nous coûterait-il d'acheter des serveurs ? Combien de temps nous faudrait-il pour les rembourser ? Et si nous pouvions nous retrouver dans une situation comme celle de 37signals avec Basecamp, qui fonctionne toujours sur des serveurs achetés il y a sept ans, à quel point nos activités pourraient-elles être plus rentables ? Quel est notre type d'activité ? S'agit-il d'une activité très volatile qui connaît d'énormes fluctuations ? S'agit-il d'une entreprise en phase de démarrage qui peut tout à fait se passer d'une équipe d'exploitation ? Ou sommes-nous peut-être au milieu, comme 37signals, où nous ne dépensons peut-être pas encore 3 M$ comme eux, mais où nous dépensons peut-être déjà 1 M$ par an ou même un demi-million ?

Combattre la domination des hyperscalers

David Heinemeier Hansson poursuit en avançant un autre argument, plus philosophique, en faveur de l'abandon des plates-formes partagées. « Ce n'est pas qu'une question de coût. Il s'agit également du type d'Internet que nous voulons exploiter à l'avenir. Il me semble carrément tragique que cette merveille décentralisée du monde fonctionne désormais en grande partie sur des ordinateurs appartenant à une poignée de méga-entreprises ». Pour lui, la réaction de ses pairs a été majoritairement positive. « J'articule simplement la sagesse qui est déjà là », explique le CTO. Une personne dont le CTO n'a pas entendu parler directement est un certain Jeff Bezos d'Amazon, qui est en fait un investisseur et co-propriétaire de 37signals. « Je suis convaincu à 100 % qu'il est de notre côté lorsqu'il s'agit de réduire au maximum nos coûts », assure David Heinemeier Hansson.