« Les gens n’étaient pas prêts », se souvient Miroslaw Klaba, directeur de la R&D chez OVHCloud en parlant des 20 ans du watercooling. Il ajoute « Quand mon frère a envoyé un CP pour annoncer cette technologie, il a été obligé de faire machine arrière et de dire qu’il s’agissait d’un poisson d’avril ». Pourtant, ce procédé est bien la marque de fabrique de la firme depuis deux décennies au sein de ses datacenters. Et c’est dans l’usine de Croix que les équipes R&D d’OVH planchent sur cette méthode.

Un travail de longue haleine

L’aventure commence entre 2003 et 2008 où la famille Klaba s’intéresse au « fonctionnement du liquide de refroidissement dans les voitures » avec comme idée le transposer au monde du serveur et l’industrialiser. Fruit des travaux de R&D d’OVH, le waterblock, une plaque de cuivre qui se charge de refroidir le processeur. Entre 2011 et 2014, les équipes l’ont amélioré avec des sillons fraisés pour aider au transfert de la chaleur. Ils en ont profité pour appliquer ce procédé aux GPU.

Le waterblock avec ses arrivées et sortie d'eau est assemblé sur le serveur dans l'usine de Croix. (Crédit Photo: JC)

Puis en 2015 et 2017, l’industrialisation est de mise avec le recrutement d’un spécialiste de la mécanique des fluides et la fabrication de la plaque en impression 3D (combinant cuivre et plastique). Toujours pendant cette période, Miroslaw Klaba souligne que l’expansion internationale avec « des climats différents » a scellé le sort « du free cooling pour le full watercooling », en l'occurrence de l'eau osmosée qui est filtrée à la sortie du réservoir. En 2018, OVH franchit un pas avec la soudure au laser, améliorant les waterblock notamment pour les puces plus performantes et disposant de plusieurs cœurs.

Une recherche au service de la performance et de la réduction des coûts

Nonobstant, les travaux ne sont pas un long fleuve tranquille : « il y a eu des problèmes de fuites » reconnait le CTO, mais en pointant du doigt « un problème de test et de méthodologie sur la qualité ». Pour s’assurer de cette parfaite maîtrise, OVH a revu ses contrôles de qualité et a même installé dans son usine de Croix, une extension de son fournisseur de cuivre et métal pour la réalisation des plaques de cuivre et des châssis de racks. Le groupe consomme entre 20 et 30 tonnes de cuivre par an.

Ces recherches ont un objectif la réduction des coûts et améliorer l’efficacité énergétique, le PUE des datacenters. Avec le watercooling, OVH revendique un PUE de 1,28 en comparaison avec la moyenne du secteur qui se situe à 1,55 selon l’Uptime Institute en 2022. La question de la dissipation thermique est au cœur du watercooling. En 2011, OVH réussissait à dissiper jusqu’à 60 watts avec un liquide à une température de 30°C. Aujourd’hui, il dissipe 250 watts avec un liquide à 45°C. Reste un point encore en suspens, la chaleur fatale du datacenter. « Des tests sont réalisés avec Lille métropole, mais l’équilibre financier n’est pas au rendez-vous », assure Miroslav Klaba. En effet, le liquide sortant du datacenter n’est pas assez chaude pour chauffer des établissements (il faudrait monter à 75°C), mais le groupe travaille sur ce sujet.

L’immersion à la sauce OVH

Après 20 ans de travaux dans le watercooling, OVH regarde vers l’avenir et il se décline sur l’immersive cooling, c’est-à-dire la capacité d’immerger le système dans un liquide pour contenir la dissipation thermique. « Les premiers travaux ont été réalisés il y a deux ans avec comme question à quoi cela va pouvoir nous servir », se rappelle Miroslaw Klaba. La technologie d’immersion n’est pas nouvelle, plusieurs sociétés dont Intel, Dell, etc. explorent ce procédé. Un datacenter Itrium est en cours de construction à Jouy-en-Josas (78) basé sur ce procédé. Mais OVH a décidé de combiner son savoir faire en matière de watercooling et l’immersion, qui donne la technologie Hybrid Immersion Liquid Cooling. Au cœur de cette méthode, il y a l’ajout d’un serpentin au waterblock qui va faire office de bobine de convection pour le refroidissement. Avantage de cette solution, OVH a élaboré un rack vertical de type bibliothèque, pouvant accueillir 48 serveurs chacun, immergé dans un fluide diélectrique.

Miroslav Klaba, CTO d'OVHCloud, donne quelques indications sur la technologie Hybrid Immersion Liquid Cooling. (Crédit Photo: JC)

La société a déposé plus de 30 brevets sur ce système. Elle a regardé et discuter avec les membres d’OCP (Open Compute Project), mais « ils ont fait d’autres choix d’architecture que nous », souligne le directeur de la R&D. Aujourd’hui, « il n’y a pas encore de clients, mais nous réalisons des PoC sur la partie edge et sur des extensions de datacenter », conclut-il.