En réaction à l'adoption en deuxième lecture par l'Assemblée nationale de la loi sur la confiance dans l'économie numérique (LEN) le 8 janvier 2004, les principaux fournisseurs d'accès à Internet (FAI), membres de l'AFA (Association des Fournisseurs d'Accès et de services Internet), ont menacé de supprimer tous leurs services en ligne si la LEN était définitivement adoptée en ces termes par le Sénat.

La principale disposition mise en cause concerne la responsabilité des prestataires techniques quant au contenu qu'ils hébergent. Celle-ci serait engagée dès lors qu'ils auraient été avertis que ce contenu était litigieux ou potentiellement illicite. Cette responsabilité s'applique évidemment aux sites Web (personnels ou non) mais également aux forums et à tous les services en ligne. Revenant ainsi à l'esprit de l'amendement Fillon (1996), l'Assemblée nationale veut obliger les FAI à jouer le rôle de censeur. « Or il n'est pas rare que la qualification d'illicite soit contestable », souligne Maître Férahl-Schuhl, avocate associée au cabinet Salans. Le texte initial prévoyait qu'une injonction judiciaire était nécessaire. Si les plaintes se multiplient, les FAI se verront donc contraints soit de fermer arbitrairement des sites Web (ce qui peut être une rupture abusive de contrat) soit de les contrôler avec une intervention humaine forcément coûteuse, sans pour autant leur éviter de nombreux conflits quant à ce qu'il faut ou non supprimer.

Un autre amendement problématique impose aux FAI une obligation de moyens pour filtrer des données émanant de services identifiés comme illégaux mais situés à l'étranger (alinéa 7b de l'article 2). L'AFA souligne que les technologies actuelles de filtrage sont toutes aisément contournables.

Enfin, la suppression du qualificatif de « correspondance privée » pour désigner les courriers électronique (article 1c), si elle ne semble avoir aucun impact réel, provoque de nombreux fantasmes.

Cependant, contrairement à ce que l'AFA proclame urbi et orbi, la LEN, même dans sa rédaction actuelle et maladroite, n'impose aucun contrôle a-priori des contenus. Le texte actuel n'implique pas plus que le courriel devienne une communication publique ou censurable. Vouloir éviter des frais liés au contrôle des contenus est une chose. Mais l'AFA oublie les vrais problèmes de la rédaction actuelle de la LEN pour en inventer d'autres, plus médiatiques, en y ajoutant des qualificatifs porteurs comme « liberticide ». Le combat pour la liberté d'Internet peut-il être l'enjeu d'une telle manipulation ?