Que valent les indicateurs environnementaux et les engagements climatiques des acteurs du cloud ? C'est à cette question que tente de répondre Antoine Lagier, consultant cloud senior de la société Timspirit, via une étude des rapports et indicateurs que publient les acteurs américains et français du cloud. Sa conclusion ? Même si ces acteurs font preuve d'une « efficience certaine dans la gestion de leurs datacenters et de leurs services » - ce qui est quand même bien le moins pour des industriels du sujet -, le flou méthodologique et les effets d'annonce sur ce terrain prisé des services de communication rend les comparaisons entre les offres difficiles pour les DSI. Et ce même si, sur les principaux indicateurs, le cloud public fait bien mieux que les productions IT internes ou hébergées.

Pour mener à bien sa comparaison, Antoine Lagier se focalise sur trois indicateurs clefs présents dans la communication de tous les acteurs du cloud ou presque. Le premier d'entre, le PUE (pour Power Usage Effectiveness), matérialise l'efficience énergétique des datacenters. Plus ce rapport entre la puissance énergétique consommée et celle utilisée pour alimenter les équipements IT se rapproche de 1, plus le datacenter est efficace. Sans surprise - d'autant qu'abaisser le PUE permet de réduire la facture énergétique -, les acteurs du cloud font mieux que la moyenne des datacenters, telle que mesurée par l'Uptime Institute. Meta affiche ainsi 1,09, GCP 1,10 et AWS une fourchette allant de 1,07 à 1,15 en fonction des centres, tandis que OVH publie un PUE de 1,28 et Scaleway donne une fourchette s'étageant de 1,15 à 1,30. Reste que les DSI peuvent difficilement en faire un facteur de décision, car le PUE décrit seulement l'efficacité interne d'un datacenter, et ne prend par exemple pas en compte l'intensité carbone de l'énergie utilisée ou simplement le taux de charge des équipements.

A la place des émissions carbone par kWh, des engagements fumeux

Pour combler cette lacune, un autre indicateur - le CUE (Carbon Usage Effectiveness) - est censé éclairer les entreprises sur les émissions d'équivalent carbone par kWh d'énergie alimentant les équipements IT. Il est mesuré en C02eq/kWh. La panacée pour tout DSI ? Sauf que, comme le relève Antoine Lagier, « alors que les titres de presses croulent sous l'injonction de réduire les émissions, cet indicateur est le grand absent de toutes les publications des 'Clouders', à l'exception notable d'OVH ». A la place de cet indicateur, se déploie de vastes opérations de Greenwashing, les acteurs du cloud multipliant les engagements divers (« carbon neutral », « 100% energy renewable », « carbon free energy 24/7 », « net zero carbon », « carbon negative »).

« Difficile d'en mesurer le sérieux quand on sait à quel point la comptabilité carbone autorise des méthodes fort diverses et nombreuses (market-baset/location-based, GHG Protocol, BEGES...) avec une prise en compte des différents périmètres très variables (le fameux scope 3) », écrit le consultant. Qui rappelle que, selon l'Ademe, la notion même de neutralité carbone ne peut s'appliquer à une entreprise. Par ailleurs, comme l'avait souligné un rapport de deux ONG en mars dernier, pour tenir leurs engagements en matière de neutralité carbone, les géants du cloud ont largement recours à la compensation carbone, une approche dont l'efficacité réelle est largement remise en cause.

Des moyennes déconnectées de l'opérationnel

Le troisième indicateur, le WUE (Water Usage Effectiveness), s'attache à mesurer la quantité d'eau utilisée par kWh utilisé. Le prélèvement de cette ressource a été largement discutée ces derniers mois et les trois grand hyperscalers nord-américains ont pris des engagements en la matière, consistant à restituer au moins autant d'eau qu'ils n'en prélèvent pour leurs opérations dès 2030. Antoine Lagier note que département de l'Energie des Etats-Unis fournit une moyenne d'1,8 litre d'eau consommé par kWh pour les datacenters du pays. Là encore, tous les acteurs du cloud font preuve d'une efficacité bien supérieure, Scaleway publiant par exemple une consommation maximale de 0,2 litre par kWh, tandis qu'Azure culmine à 0,49 (notons que, chez Google, aucun chiffre ne semble disponible à ce stade).

Enfin, l'analyse d'Antoine Lagier laisse apparaître, en creux, une autre limite des données publiées par les fournisseurs : ceux-ci communiquent souvent des moyennes, établies sur l'ensemble de leur parc de datacenters. Or, pour réellement évaluer l'impact de leurs choix technologiques, les DSI ont besoin de chiffres bien plus granulaires et relatifs à leurs déploiements réels.

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