Le vent tourne pour l’écosystème des investisseurs en capital-risque et les start-ups. EY vient de publier les résultats de son analyse dédiée au capital risque en France pour le 1er semestre 2023. L’étude, qui recense les opérations de financement en fonds propres des entreprises en phase de création ou durant les premières années d’existence, se base sur les opérations ayant eu lieu entre le 1er janvier et le 30 juin dernier. S’il y a bien un point à retenir, c’est la baisse conséquente des levées de fonds françaises. Celles-ci ont en effet chuté de 49 % en valeur par rapport au 1er semestre 2022 (mais en hausse de 9 % en volume) représentant ainsi 4,26 milliards d’euros pour un total de 395 opérations. Le montant moyen levé est d’ailleurs dramatiquement bas : 10,77 millions d’euros en moyenne. Des chiffres un peu différents de l'étude menée par le VC Newfund, mais qui aboutissent à la même constatation sur la chute des levées de fonds.

Les causes de cette dégradation sont multiples : la hausse des taux, le contexte macroéconomique et la guerre en Ukraine ont mis un frein à l’emballement des investisseurs pour les innovations en tout genre. De facto, les introductions en bourse se sont stoppées net, en particulier aux États-Unis et les valorisations se sont effondrées. « La plupart des investisseurs ont décidé de temporiser entraînant dans leur sillage une contraction des volumes d’investissements, d’abord aux Etats-Unis puis en Europe » rappelle Franck Sebag, associé EY.

Le secteur de la fintech évincé du podium au profit de la greentech

Les financements les plus importants de ce premier semestre, qui se font rares, se concentrent ainsi sur le secteur dit des greentech ou cleantech qui inclut notamment Ynsect avec 160 millions d’euros levés. Ce secteur, qui a connu une croissance importante en France (près de 15 % des 13,5 milliards levés en 2022), s'impose de plus en plus dans l’écosystème French Tech. Lors de l’annonce de la promotion 2023 du Next40/FT120, pas moins de 10 entreprises représentaient ce domaine. Côté IT, peu d’entreprises ont réussi à passer la barre des 100 M€ levés ; seulement 7 opérations supérieures à ce montant ont été relevées pour un montant total de 975 M€. Dans le détail, on retrouve Mistral AI avec 105 millions d’euros levés ainsi que Pasqal qui a réuni 100 millions d’euros en début d’année. « Ce phénomène est la traduction de la baisse massive des levées de fonds supérieures à 100 M€ (-78 %) et la disparition des levées supérieures à 300 M€ » confirme Franck Sebag.

Et cela se répercute immédiatement sur le classement des investissements par secteur. Ainsi, le secteur de la fintech a disparu du podium – après une chute de -82 % – pour laisser la place à la cleantech qui arrive en tête avec 1,2 milliard d’euros, en progression à la fois en volume et en valeur (respectivement +76 % et +26 %). La seconde place revient aux logiciels à hauteur d’un milliard d’euros (baisse de 57 % en valeur et hausse de 7 % en volume). Enfin, l’industrie des sciences de la vie occupe la troisième place avec 600 millions d’euros, malgré une baisse de -14 % en volume et de -24 % en valeur.

L’Île-de-France, foyer incontesté des financements

Sans grande surprise, la région Île-de-France reste incontestablement un foyer fort pour l’écosystème French Tech. Les start-ups franciliennes ont, à elles seules, attiré 70 % des montants totalisant 2,98 milliards d’euros pour 228 opérations. La région Auvergne-Rhône-Alpes se hisse à la seconde place avec 8 % des investissements – avec 348 M€ pour 41 opérations – suivie par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec 7 % – soit 283 M€ pour 23 opérations.

À l’échelle européenne, le baromètre EY indique que la France est toujours en tête des pays de l’Union européenne même si son principal concurrent, l’Allemagne, est au coude à coude avec 4,2 milliards d’euros avec, comme pour la France, une baisse significative en valeur -33 % et en volume -8 %. Le Royaume-Uni reste très actif en Europe mais subit la même coupe avec une baisse de 62 % (en valeur) des montants levés sur le semestre, s’établissant ainsi à 7 milliards d’euros. Dans son rapport du premier semestre baptisé « State of european tech – First look 2023 », Atomico pointait déjà du doigt en juin dernier les difficultés auxquelles l'Europe fait face. Ainsi, les volumes d'investissement totaux sur le continent devraient atteindre environ 50 milliards de dollars pour l'ensemble de 2023, sur la base de l'activité à ce jour. « Cela représente une baisse d'environ 50 % par rapport aux records de 2021 et d'environ 38 % par rapport à 2022 ». Cependant, cela reste environ 35 à 40 % en avance sur ce qui a été observé en 2020 et 2019, signe que tout ne va finalement pas si mal.