"Il convient de relever que les ententes sur la répartition des marchés sont considérées par les autorités de concurrence comme injustifiables et comptent donc parmi les plus graves", explique le Conseil de la concurrence dans sa décision du 30 novembre. Une décision qui condamne les trois opérateurs mobiles oeuvrant dans l'Hexagone à une amende cumulée record de 534 ME pour la collusion qu'ils ont organisée et appliquée entre 1997 et 2003, et plus particulièrement à partir de 2000. Plus concrètement, les opérateurs sont condamnés pour avoir échangé des informations sur leurs parts de marché et le nombre d'abonnés, et pour s'être entendu afin de maintenir leurs parts de marché. Face à une organisation s'apparentant à un "Yalta des parts de marché", le Conseil s'est montré particulièrement sévère, qualifiant de "particulièrement graves" les man?uvres des opérateurs et les accords censés répartir entre-eux le marché, cette collusion ayant eu pour conséquence, aux yeux du régulateur, un dommage à l'économie. S'appuyant sur des documents saisis dans les locaux des opérateurs, le Conseil illustre le caractère secret des pratiques mises en place. En témoigne cette note du directeur général adjoint licences de Bouygues Télécom : " Je vous rappelle que ces chiffres sont échangés entre les trois opérateurs à titre confidentiel. Ils ne doivent en aucune façon être communiqués à l'extérieur et notamment pas auprès de nos instances réglementaires (ART, ministère,...)". A Orange et SFR échoient les plus grosses pénalités. Les deux opérateurs, qui se partageaient 80 % du marché en 2003, sont ainsi condamnés à payer respectivement 256 ME et 220 ME, soit 6,4 % et 3,1 % de leur chiffre d'affaires 2004. Bouygues s'en sort relativement mieux, avec une pénalité de 58 ME, soit 1,78 % de son CA 2004. Les condamnés ont immédiatement réagi, indignés par des accusations qu'ils réfutent en bloc et par l'ampleur des sanctions. Orange "conteste la réalité d'un quelconque pilotage concerté du marché" et interjette appel de la décision. Même constat du côté de SFR qui s'offusque et se dit "profondément choqué". Motivée par cette condamnation, l'association UFC Que Choisir, qui avait dénoncé les comportements anti-concurrentiels des opérateurs dès 2002, revient à la charge : " cette décision n'est qu'une étape et l'heure de la réparation de chaque abonné est maintenant venue". Pour ce faire, l'association met en ligne un outil chargé d'estimer le préjudice subi par les consommateurs. Ainsi, pour un abonné chez SFR, fidèle à son opérateur depuis 1999, et détenteur d'un forfait à 40 E, l'UFC estime ce préjudice à 112,79 E. L'Union fédérale invite les clients mécontents à remplir un dossier sur son site et entend mener une action judiciaire d'envergure contre le triumvirat des télécoms. A la clé, somme énorme, supérieure au milliard d'euros. On comprend mieux l'exigence de discrétion dans la note de Bouygues Télécom.