Les pièces du puzzle juridique entre Blue Mind et Linagora s'amoncellent et la situation entre les deux acteurs Open Source s'envenime. Depuis l'été 2012, la SSLL Linagora a entrepris plusieurs actions en justice à l'encontre de Blue Mind pour contrefaçon et concurrence déloyale près le TGI de Bordeaux, violation de clauses de non-concurrence (Conseil des Prud'Hommes) et non-respect d'une garantie d'éviction (Tribunal de Commerce de Paris). Un mois après la publication d'une ordonnance du TGI de Bordeaux validant la nomination d'un expert technique pour traiter l'aspect contrefaçon de l'affaire, Linagora pourrait maintenant à son tour être sous le feu des projecteurs juridiques. Explications.

Au coeur du différend juridique entre les deux acteurs français de l'Open Source : Linagora accuse Blue Mind d'avoir repris frauduleusement des codes sources tiers, dont celui de la solution de messagerie OBM qu'il édite.

« Blue Mind est un nouveau projet et utilise différents composants dont, comme le fait d'ailleurs Linagora, oPush qui gère la partie liée à la synchronisation sur smartphones. Or, oPush n'appartient pas à Linagora, c'est un projet hébergé chez Google et dont la forge est publique, et dont l'auteur, par ailleurs salarié de Blue Mind, est intervenu dans l'affaire en cours avec son avocat pour faire respecter ses droits », nous a indiqué Pierre Baudracco, PDG de Blue Mind.

Le pugilat entre Linagora et Blue Mind a aussi lieu sur Internet 

Outre cette action menée à titre individuel à l'encontre de Linagora et mise notamment en avant sur le site de l'éditeur Open Source, Blue Mind envisage également de déposer plainte auprès d'une « très haute » juridiction pour « faire cesser la calomnie et rétablir la vérité ». Une décision qui fait notamment suite à la diffusion de tracts jugés par Blue Mind comme étant diffamatoires sur le salon Solutions Linux et à la publication d'un blog de Linagora l'accablant, accompagné de pièces justificatives visant à crédibiliser l'argumentation de la SSLL. « J'informe tout le monde aujourd'hui car je pense que la vérité est bonne à dire », nous a fait savoir Alexandre Zapolsky, PDG de Linagora. « Des personnes de Blue Mind ont cru possible de repartir du code source d'OBM qui était sous licence libre pour effacer et modifier des en-têtes de fichiers, ce qui est en totale contradiction avec les licences GPL v2 et LPGL v3 qui impliquent de conserver la notion de paternité ».

« En faisant Blue Mind nous avons appliqué de façon automatisée une autre en-tête de licence sur des milliers de fichiers or il s'est avéré que 23 d'entre eux avaient à l'origine un copyright Linagora. On est dans un cas de figure archi classique dans le milieu de l'Open Source, l'article 8 de la licence GPL prévoyant de ne pas sanctionner mais d'informer toute personne à l'origine de cette modification pour corriger le problème, or Linagora ne nous a jamais demandé de procéder à une quelconque modification », nous a expliqué Pierre Baudracco. Blue Mind confirme par ailleurs avoir procédé à des modifications des en-têtes suspectes en janvier dernier.

Une expertise juridique en cours, un verdict attendu pour la fin d'année 

La publication le 28 avril dernier de l'ordonnance du TGI de Bordeaux n'a en tout cas pas non plus manqué d'envenimer la situation entre les deux acteurs Open Source. Dans son ordonnance, on apprend ainsi que le tribunal « rejette les demandes tendant à faire interdiction provisoire à la société Blue Mind de poursuivre toute utilisation, exploitation et diffusion des oeuvres logicielles OBM Sync et oPush et du code source de ces oeuvres logicielles ». Une bataille gagnée pour Blue Mind, même si l'éditeur est loin d'être tiré d'affaire pour autant, le TGI ayant ordonné une expertise visant à  comparer les lignes du code source des logiciels OBM Sync et oPush avec celles de BM Core et EAS de Blue Mind, tout en recherchant également toutes les mentions de paternité dans ces logiciels. Un jugement sur ce point pourrait être rendu en fin d'année.

Outre le volet contrefaçon, Linagora accuse également Blue Mind d'avoir chassé ses clients pour les attirer chez lui et également de débauchage massif. Des accusations que Pierre Baudracco récuse en bloc : « Parmi la cinquantaine de clients soi-disant débauchés, il y en a uniquement trois qui ont été trouvés par la saisie dont un n'était même plus client de Linagora et deux issus d'appels d'offre public auquel Linagora n'a même pas répondu. Pour ce qui est du débauchage massif, il faudra m'expliquer comment 6 personnes qui ont rejoint Blue Mind des années après démissionné de Linagora et ayant entre deux exercé des fonctions dans d'autres sociétés, ont pu désorganiser en peu de temps la société comme la notion de débauchage massif le laisse entendre, sachant que si désorganisation il y a eu, c'est sans doute dû à la centaine de démissions qui a touché Linagora entre 2010 et 2011. »