Le projet de migration de clients sélectionnés de la Lloyds Banking Group vers une plate-forme bancaire cloud développée par une petite fintech londonienne dénommée Thought Machine est audacieux. Mais qui est donc Thought Machine et quels sont les risques pour Lloyds Banking Group ? La concurrence accrue de banques numériques agiles comme N26, Revolut, Monzo et Starling pousse les banques plus traditionnelles à proposer des produits numériques plus innovants à leurs clients, à éviter les temps d’interruption et à alléger les pressions économiques pour moderniser leur infrastructure et réduire les frais liés au maintien de systèmes internes surchargés.

Créée à Londres en 2014 par quatre anciens salariés de Google, Thought Machine a passé deux ans à développer sa plate-forme bancaire Vault OS dévoilée en 2016. Depuis, elle a noué des partenariats de premier plan avec IBM, Atom Bank et Lloyds Banking Group, qui ont également investi 11 millions de livres sterling dans l’entreprise l’an dernier en échange d'une participation de 10 %. Dans le cadre de son vaste projet de modernisation, Lloyds Banking Group a été séduit par la plateforme de Thought Machine et son système d'exploitation propriétaire Vault OS, au point que cette semaine le Financial Times a annoncé que le groupe bancaire avait entamé des discussions avec les régulateurs pour transférer 500 000 clients de son ancienne marque Intelligent Finance vers la nouvelle plate-forme.

Des économies avant tout 

Lloyds Banking Group (LBG) a déclaré en réponse qu'il ne commenterait pas cette rumeur, mais qu'il travaillait avec Thought Machine dans le cadre de son projet global de modernisation stratégique de sa base technologique. S’il a lieu et s’il réussit, ce basculement aura valeur de test, car la banque prévoit de faire passer progressivement davantage de clients sur le nouveau système au cours des prochaines années, afin de réduire ses dépenses IT annuelles. Son investissement l’an dernier dans Thought Machine montre clairement qu’elle a très confiance dans la plate-forme. Une source proche de la banque a ajouté que Lloyds Banking Group explorait plusieurs pistes pour moderniser sa pile technologique, y compris l'adoption d'une technologie externe dans un domaine où elle pourrait s'avérer la plus efficace pour le groupe, ainsi que le recours à une expertise interne, le cas échéant.

Le choix d’un fournisseur qui n'a que deux ans d'expérience et dont la plate-forme n’a pas encore fait ses preuves représente certainement un risque pour l'un des plus grands groupes bancaires du pays, et expliquerait pourquoi le déploiement initial est limité. La banque a déclaré au Financial Times qu'elle engagerait la migration avec prudence, sans trop s’étendre sur le sujet. Jusqu'à présent, aucune banque n’a mis en place d’instance Vault OS « en direct » permettant à des clients de faire des transactions sur la plate-forme. La banque rivale Atom a également signé un accord avec Thought Machine en novembre de l'année dernière, mais n'a pas encore transféré ses clients sur la plate-forme. « Thought Machine est engagé commercialement avec un certain nombre de banques, dont la plupart seront opérationnelles en 2019. Les banques seront mises en service sur Vault une fois que tous les systèmes auront été construits et entièrement testés », a déclaré Paul Taylor, CEO de Thought Machine.

Examen minutieux 

La banque a certainement envie d'éviter la catastrophe, à l’image de ce qui est arrivé l'an dernier à son ancienne filiale TSB, dont les clients ne pouvaient plus accéder à leurs comptes, ont perdu de l’argent et pouvaient même voir les comptes d'autres clients après la migration ratée d’avril 2018. Si la banque met son projet à exécution, la migration fera certainement l'objet d'un examen minutieux, le Comité spécial du Trésor ayant annoncé en novembre qu’il vérifierait que les banques sont suffisamment préparées aux pannes et que des régulateurs comme la Financial Conduct Authority et la Bank of England pourront leur demander des comptes.

La députée Nicky Morgan, présidente du Comité du Trésor, avait déclaré à l'époque : « Le nombre de pannes informatiques qui se produisent ces dernières années dans les banques et autres institutions financières est étonnant. Des millions de clients ont été touchés par l'incertitude et les perturbations causées par les défaillances des systèmes informatiques bancaires. Les excuses insignifiantes et les explications inconsistantes des institutions financières ne suffiront pas si les consommateurs n'auront plus accès à leur propre argent et sont confrontés à des retards dans le paiement de leurs factures. Le comité a lancé cette enquête pour examiner les causes et les conséquences de ces défaillances, et regardera de près ce que font l'industrie et les régulateurs pour promouvoir la résilience opérationnelle ».

Moins d'emploi dans les banques 

Un certain impact sur l'emploi est forcément attendu. En novembre, la banque a annoncé qu'elle supprimait 6 000 postes traditionnels, mais qu'elle créait 8 000 postes liés au numérique afin d’étende son offre de services numériques aux clients. Suite aux rapports de cette semaine, Mark Brown, secrétaire général du syndicat indépendant BTU, qui représente environ 20 000 employés de Lloyds, a déclaré au Financial Times : « La banque sait pertinemment à quel moment et quels types d’emplois seront supprimés après la mise en œuvre de la plate-forme bancaire de Thought Machine et elle devrait publier cette information immédiatement. Cacher cette information au personnel est inacceptable »..