L’éditeur de MariaDB, la base de données open source, courtise agressivement les clients d’Oracle en offrant davantage de portabilité et une facilité de migration pour aider les entreprises à évoluer vers leur solution. MariaDB a été développée par plusieurs des développeurs à l’origine de la base de données relationnelle MySQL, dont Michael « Monty » Widenius, qui a quitté le navire après le rachat de MySQL par Oracle. Elle a toujours été conçue comme une solution de remplacement pour MySQL. Michael Howard, qui a travaillé chez Oracle pendant 4 ans entre 1996 et 2000, est le CEO de MariaDB depuis décembre 2015. Lors d’un keynote sur la conférence utilisateurs M18 de MariaDB à New York, la semaine dernière, il a évoqué son expérience de la technologie propriétaire et admis que c’était « difficile de changer ». « La résistance est partout, à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation. La grande complexité de la migration, sa réalité physique, la maîtrise des compétences, l’établissement de processus et la crainte de l’inconnu ».
« Si vous ne changez pas, vous serez redevable envers une compagnie qui n’a pas vos meilleurs intérêts en tête. Je le sais, j’y étais. Vous allez payer 10 fois plus pour ce privilège », a-t-il relaté. Interrogé par la suite par Computerworld UK, Michael Howard a précisé : « Lorsque nous parlons à des clients Oracle, ils ont déjà pris la décision de changer. Nous n’allons pas sur le site d’un client pour nous affronter pied à pied sur les fonctionnalités. Il y a plutôt une prédisposition au changement et cela commence généralement avec des décisions portant sur l’infrastructure qui, pour l’essentiel, reposent sur l’open source ou sur des technologies de commodité ». Michael Howard considère qu'il a deux parties importantes sur le marché Oracle : la base MySQL et la base Enterprise d’Oracle. « Typiquement, les clients d’Oracle passe de MySQL vers MariaDB en premier puis ils comment à s’occuper de leurs environnements propriétaires plus complexes au fur et à mesure », explique-t-il. Cela dit, il admet que certains clients ont toujours des doutes sur l’open source. « Il y a toujours du scepticisme quand une entreprise n’a jamais utilisé de l’open source, quoique de nos jours, cela constitue plus souvent l’exception que la règle », remarque-t-il. « Si vous deviez partager le monde entre ceux qui versent dans l’open source et ceux qui restent sceptiques, il y a probablement autour de 95% qui l’adoptent sans réserve. Pour ces entreprises, il y a de nouveaux aspects à apprendre, tels que les contrats qui sont différents par rapport aux modèles propriétaires et le mode de communication entre les entreprises, qui est collaboratif plutôt que dicté ».
Des attentes plus fortes avec les nouveaux actionnaires
MariaDB a récemment reçu le soutien financier d’une levée de fonds de 27 M$ menée par Alibaba et la Banque européenne d’investissement. Durant son keynote, Michael Howard a reconnu que l’arrivée de ces ressources s’accompagnait d’attentes plus importantes. « Nous devons simplifier pour les entreprises internationales la capacité à changer et à migrer ». La facilité de migration de MariaDB constituera toujours une partie essentielle des plans de croissance de l’éditeur, mais le CEO a également parlé d’impulser un élan et de « résoudre des problèmes difficiles ». Ce dernier point fait le lien avec l’annonce faite par MariaDB d’investir dans des laboratoires de R&D avec l’objectif de résoudre certains des problèmes les plus ardus de cette industrie, comme l'automatisation des bases de données. A propos de la dernière version de MariaDB Server, la 10.3, Michael Howard a déclaré qu’il était indispensable que l’éditeur continue à fournir « de la portabilité et de la familiarité en termes de code, mais également de la portabilité et de la familiarité en termes de compétences ».
« N’est-il pas ironique que MariaDB offre une couche de compatibilité Oracle alors que MySQL fait partie d’Oracle ? », a-t-il fait remarquer. « N’est-il pas ironique qu’Oracle Enterprise, le grand frère de MySQL, propose du data warehousing et que ce soit MariaDB qui déjà le fournisse à votre communauté ? Ils ne veulent pas que vous réussissiez avec MySQL, ils ne veulent certainement pas que MySQL cannibalise des choses comme Exadata ». Oracle, pour sa part, se focalise sur l’apprentissage machine et l’automatisation pour affronter ses nouveaux concurrents open source. L’éditeur de Redwood Shores a annoncé une base de données auto-pilotée lors de sa conférence Open World de l’automne 2017, en promettant la première base de données autonome. Michael Howard n’est pas inquiet. « Cela va être plus difficile pour Oracle de parvenir à répondre aux exigences d'une base de données autonome en raison de la complexité même de l'environnement Oracle », selon lui. « Une base de données autonome ne peut pas exister s’il y a littéralement des milliers de bugs et que son utilisation donne du fil à retordre aux personnes les plus qualifiées. J’adore la notion d’une database autonome et je crois sincèrement que MariaDB est en meilleure position qu’Oracle pour répondre à cette attente. »
Trop d'investissements pour évoluer avec Oracle
Le CEO de l'éditeur open source a expliqué comment la Banque de développement de Singapour (DBS) est sortie d’Oracle Enterprise en déplaçant ses environnements transactionnels vers MariaDB. « Ce sont eux qui nous ont motivés et ont collaboré avec nous pour bâtir une couche de compatibilité Oracle », a indique Michael Howard. La banque a déjà transféré 54% de ses applications critiques vers MariaDB et veut tourner principalement sur la base open source d’ici la mi-2019. Avec cette migration, elle devrait faire une économie nette de 4,1 M$ sur 5 ans, après l’investissement initial. Peng Khim, responsable de la technologie et de l’innovation de DBS, a expliqué à Computerworld UK que la banque avait essayé d’aller vers une version d’Oracle Enterprise qui soit plus « scalable » mais cela n’a pas marché à cause des efforts de développement que cela nécessitait et de la contrainte imposée par le coût des licences.
De la même façon, le groupe Financial Network a témoigné sur la conférence M18 sur les limites d’Oracle RAC pour les entreprises de plus petite taille mais en forte croissance. « La licence Oracle est basé sur les processeurs, ce n’est pas très évolutif d’un point de vue économique et fiscal », a indiqué notamment William Wood, directeur de l’architecture des bases de données chez Financial Network. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’évoluer parce que nous passons d’un processeur 4 coeurs à la dernière version comportant 96 coeurs sur un seul CPU », a-t-il indiqué. « Pouvez-vous imaginer le coût que cela représenterait à raison de 47 500 dollars par coeur ? » Cela représente un coût astronomique simplement pour obtenir la licence, a pointé William Wood en rappelant qu’une fois la licence acquise, il fallait faire face tous les ans au coût du support. Et en cas d’extension du périmètre, « ce sont encore des coûts de licence supplémentaires et des stratégies de vente très intéressantes », a-t-il souligné en concluant : « Nous sommes une petite entreprise, si nous devions continuer à investir dans Oracle, nous finirions probablement par faire faillite ».
Parmi les autres utilisateurs de MariaDB présents sur M18, l'éditeur SaaS ServiceNow a expliqué à Computerworld UK comment il avait déployé MariaDB pour traiter 25 milliards de requêtes à l'heure.
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