Les DSI sont soumis à une pression croissante pour fournir davantage d'innovations plus rapidement et plus efficacement. Les directions générales, elles, attendent de l'IT qu'elle développe de nouveaux produits, améliore l'expérience des clients, automatise les flux de travail et fournisse de nouvelles capacités d'intelligence artificielle. Pour ce faire, les DSI doivent continuellement améliorer leurs capacités de gestion des produits, de gestion des programmes et leur faculté à livrer de nouvelles fonctionnalités ou services afin d'offrir des avantages concurrentiels à leur organisation. Tout en évitant les chausse-trappes telles que la priorisation d'un trop grand nombre d'initiatives et le sous-investissement dans les équipes pionnières.

De nombreuses équipes IT utilisent des méthodologies agiles pour livrer de manière itérative des fonctionnalités, améliorer les capacités des solutions applicatives, réduire la dette technique et expérimenter les technologies émergentes. Mais, les discussions avec de nombreux responsables informatiques montrent qu'il y a souvent des écarts entre la façon dont l'IT utilise Scrum, XP ou d'autres méthodologies et ce dont les DSI ont besoin pour atteindre leurs objectifs.

J'ai récemment animé la table ronde « Agile : Back to Basics » d'Adaptavist, à laquelle participaient trois auteurs du Manifeste Agile. Nous avons discuté du fait que de nombreuses équipes agiles se concentrent sur les rituels sans vraiment comprendre les objectifs du manifeste ou les objectifs de l'organisation. Leurs commentaires donnent des indications sur ce qu'il faut faire si vos équipes « font de l'agile », mais ne sont en réalité pas assez agiles pour obtenir les résultats attendus en matière de transformation numérique. Voici 5 écueils clefs fréquemment rencontrés.

1. Vous n'avez pas réussi à instaurer la confiance et à communiquer la vision

Pour Tina Behers, vice-présidente de l'agilité d'entreprise chez Aligned Agility, deux conditions préalables s'avèrent essentielles pour mener à bien des projets de transformation numérique avec des méthodologies agiles. La première est relative au climat régnant dans l'entreprise : « s'il n'existe pas un climat de confiance au moins partiel, en particulier entre les équipes de développement de logiciels et la direction, ou entre les dirigeants et leurs subordonnés, la transformation de quoi que ce soit ne fonctionnera pas ». La méthode agile peut contribuer à instaurer la confiance entre les équipes, les différents départements et les dirigeants, mais elle ne peut pas remédier à un manque de confiance entre les individus. D'où l'importance de discuter ouvertement du sujet, afin de faire en sorte qu'il soit possible d'apprendre des échecs passés et prévoir des programmes de renforcement de l'esprit d'équipe.

Autre condition préalable, selon Tina Behers : s'assurer que les équipes agiles comprennent la vision et les objectifs de l'initiative dès le départ. « Si la direction de l'organisation, qu'il s'agisse du PDG ou du chef de produit, n'a pas communiqué à plusieurs reprises la vision et la stratégie de l'entreprise ou du produit, les chefs de produit n'ont aucun moyen de fixer les priorités et, par conséquent, les équipes n'ont aucun moyen réaliste de fournir la valeur attendue ». La meilleure façon de combler cette lacune ? Demander aux chefs de produit et aux responsables de la livraison, en collaboration avec les services concernés et les équipes agiles, de rédiger une synthèse simple de cette vision. Le processus de rédaction permet d'instaurer un climat de confiance, et une vision documentée assure une compréhension commune des priorités. Tout aussi important, cette documentation deviendra un outil permettant aux équipes agiles de prendre des décisions de mise en oeuvre lorsqu'il existe plusieurs façons de résoudre un problème, chacune présentant des avantages mais passant par des compromis différents.

2. Vous conservez la planification en cascade, tout en exigeant une livraison agile

Après avoir défini votre vision, la planification sera l'étape suivante, qui consiste à parler aux clients, à définir les problèmes, à examiner les données opérationnelles et à réaliser des démos démontrant la faisabilité du projet. Malheureusement, les organisations considèrent trop souvent la planification comme une activité 'pré-agile', un artefact des méthodologies de projet traditionnelle où la planification aidait à définir les exigences, les délais, les coûts et d'autres facteurs permettant aux dirigeants de décider de leurs investissements.

« Les chefs d'entreprise ont peur de l'échec et de l'incertitude entourant les projets dans l'économie de la connaissance. L'approche agile est un formidable outil de gestion des risques sur ce terrain, mais ce n'est pas toujours évident », explique Ronica Roth, cofondatrice et directrice de The Welcome Elephant. La clé est de reconnaître que la planification doit aussi être une discipline agile, et non une activité autonome réalisée indépendamment des équipes agiles. Les pratiques de planification agile incluent la priorisation des backlogs à chaque sprint, la rédaction de courtes 'user stories' avec des critères d'acceptation et la conduite de rétrospectives.

Les initiatives de transformation numérique sont souvent des paris importants des organisations pour changer leur modèle économique ou opérationnel. Leur importance stratégique crée encore plus de tension pour les DSI et leurs équipes, qui doivent répondre régulièrement à la question de savoir ce qui sera livré et quand. « La direction a le droit de demander aux équipes agiles quand quelque chose sera livré et combien cela coûtera, mais les équipes ont le droit de repousser les attentes irréalistes », dit Jon Kern, consultant en transformation agile et co-auteur du Manifeste Agile. Cette tension peut miner la confiance, empêcher les équipes de se concentrer sur les objectifs de transformation et déstabiliser l'environnement dont elles ont besoin pour réussir sur le long terme. « Je veux que mes équipes soient enthousiastes à l'idée de satisfaire les clients, d'apporter de la valeur et de s'amuser en le faisant », ajoute Jon Kern. Selon Tim Ottinger, consultant senior chez Industrial Logic, quand une tension se fait jour entre la définition des délais et l'atteinte d'objectifs ambitieux, les dirigeants doivent revenir à l'essentiel. « Les premiers mots du Manifeste Agile : nous découvrons. Je pense que beaucoup de gens oublient cet élément de contexte ».

3. Vos principes agiles sont trop vagues

Au-delà de la tension entre la direction et les équipes, il existe souvent une tension secondaire entre les équipes agiles et au sein même de celles-ci. Pour James Grenning, co-auteur du Manifeste Agile, « l'adoption des méthodologies agiles commence généralement par l'introduction de la gestion itérative, mais nous ne pouvons pas attendre des équipes de développement qu'elles connaissent instinctivement l'ingénierie itérative. Il y a des compétences à acquérir et à maîtriser, et l'excellence technique est un facteur clé de la réussite de l'adoption de la méthode agile ».
Notre table ronde sur le "retour aux sources" a permis d'identifier plusieurs domaines dans lesquels les organisations ne parviennent pas à mettre en oeuvre l'approche agile de manière efficace pour soutenir leurs initiatives numériques, notamment les suivants :

Ne pas comprendre les principes clés de l'agilité : « 99 % des pratiques agiles n'ont pas d'équipe interfonctionnelle et ne s'autogèrent pas. C'est pourtant écrit à la page 2 du manifeste », raille Tim Ottinger.
Permettre à l'auto-organisation de prendre le pas sur le sens des affaires : « si nous laissons l'équipe livrée à elle-même parce qu'elle s'auto-organise, dans quelques semaines, probablement, les chèques ne sont plus encaissés. L'agilité doit fonctionner dans le contexte de l'organisation, qu'il s'agisse du processus de reporting financier ou de prévision », indique Phil Heijkoop, directeur général d'Aligned Agility.
S'enivrer de métriques : « parfois, nous faisons preuve d'un zèle excessif à l'égard de nos indicateurs, nous en avons trop et nous essayons de mesurer trop de choses non mesurables », reconnaît Jim Highsmith, coauteur du Manifeste Agile. Et de recommander aux dirigeants d'identifier un indicateur clef axé sur la valeur créée pour le client.


Les initiatives de transformation numérique nécessitent souvent la coordination de plusieurs équipes agiles, de sorte que des attentes mal alignées sur les principes à appliquer, sur les tutelles ou les normes conduisent à des conflits. Le défi pour les DSI et les leaders agiles ? Créer une structure chargée de faire évoluer les principes et normes agiles de l'organisation, une sorte de centre d'excellence agile.

4. Vous traitez la gestion du changement et les feedbacks comme des questions secondaires

Les équipes agiles, surtout celles qui utilisent les chaînes CI/CD et d'autres pratiques Devops pour permettre un déploiement continu, peuvent facilement oublier des pratiques clés dans les initiatives de transformation numérique. Car le travail d'une équipe agile ne s'arrête pas au déploiement du code. Les transformations réussies nécessitent des activités de gestion du changement pour garantir l'adoption par les utilisateurs finaux, recueillir les commentaires et examiner les indicateurs opérationnels.

Ces activités font-elles partie du champ d'application des programmes agiles ? Si ce n'est pas le cas, la déconnexion peut conduire à une faible satisfaction des utilisateurs finaux et à la colère des différents départements impliqués dans les initiatives. En outre, les équipes agiles qui travaillent sans feedbacks de la part des clients risquent de surestimer l'importance réelle des fonctionnalités livrées et de manquer des occasions de réorienter les priorités.

Jon Kern suggère : « Dites aux gens de penser à la plus petite chose qu'ils peuvent faire, puis de faire quelque chose d'un peu moins inconfortable. Il est toujours possible d'en faire plus, mais on ne peut jamais récupérer le temps perdu. Essayez de rester un peu en deçà de vos attentes et misez sur des feedbacks rapides ».

5. Vous ignorez l'aspect culturel de la méthode agile

La transformation vers les pratiques agiles nécessite un changement de culture pour que les gens regardent au-delà de la façon dont les choses fonctionnent aujourd'hui et remettent en question les hypothèses. Les leaders agiles recherchent des mentalités et des cultures adaptées. Définir ce que cette culture signifie dans le contexte des objectifs de la transformation numérique devrait être à l'ordre du jour du DSI.

Par exemple, affirmer « nous ne sommes pas assez agiles » sans aligner l'amélioration des processus sur les objectifs de l'entreprise s'avère totalement contre-productif. Tout comme des phrases tout faites (« Ce n'est pas agile ») entendues parfois au sein des équipes. Dès lors, comment les DSI peuvent-ils définir un état d'esprit agile dans leur organisation ? « Cela consiste à développer des habitudes de travail à travers nos comportements, et ces comportements doivent être omniprésents dans l'organisation », estime Tina Behers. Et comment les DSI peuvent-ils mesurer les avancées de leurs équipes sur ce terrain ? Selon Ronica Roth, ces progrès se perçoivent lorsque la conversation entre les équipes agiles et les différents départements impliqués dans les projets se déplace vers le bon sujet, à savoir non pas la capacité de l'équipe, mais plutôt la priorité du travail. » Pour Jim Highsmith, « l'objectif d'un état d'esprit agile est de nous préparer à un avenir turbulent. »