La décision d'OpenAI d'entraîner ses modèles sur les données quotidiennes des consultants et des banquiers est plus qu'une simple expérience technique. Pour Sanchit Vir Gogia, analyste et CEO du cabinet Greyhound Research, cela montre que la GenAI se repositionne, passant d'un outil générique à une ressource spécialisée. Il réagissait aux informations concernant un projet d'OpenAI développé pour le secteur du conseil en management. Selon Bloomberg, plus de 150 anciens consultants des cabinets McKinsey, Bain et Boston Consulting ont été recrutés pour entraîner des modèles à effectuer les tâches de base du secteur, dans le cadre d'un projet baptisé Argentum. Récemment, OpenAI a également indiqué à l'agence de presse que plus de 100 anciens banquiers d'affaires d'organisations telles que JP Morgan Chase, Morgan Stanley et Goldman Sachs aidaient à former son IA à la construction de modèles financiers, dans le but de remplacer les tâches de travail fastidieuses effectuées par les jeunes analystes de la finance. Cela s’inscrit au titre d’un dispositif nommé Mercury.

Sanchit Vir Gogia explique : « les entreprises recherchent de la profondeur, des résultats concrets, une réflexion structurée et des solutions intégrables à leurs processus clés. L’étude CIO Pulse 2025 illustre cette évolution, avec 68 % des décideurs qui considèrent l’IA comme un collaborateur plutôt que comme un outil de réduction des coûts. OpenAI répond directement à cette attente en s'inspirant de ceux qui ont déjà réalisé ce travail à grande échelle .L'objectif n'est pas d'imiter le langage, mais d'intégrer les pratiques. Et pour les entreprises clientes, c'est essentiel. Ce qui est proposé aujourd'hui, ce n'est pas une IA qui discute, mais une IA contributive. » 

Intégrer les modèles aux processus métiers

Craig Le Clair, vice-président et analyste principal chez Forrester, spécialiste de l'IA, de l'automatisation et du futur du travail, a déclaré : « trop de déploiements d'agents d'IA peinent aujourd'hui à rentabiliser l'investissement. Ce problème provient d'une mauvaise intégration des modèles d'agents aux processus métiers. ». En effet, selon lui, 60 % des entreprises restent bloquées au stade de la preuve de concept (PoC), et seulement 15 % d'entre elles obtiennent un impact positif et significatif. « Par exemple, a cité Craig Le Clair, une entreprise pourrait lancer 30 projets pilotes sans obtenir le moindre retour sur investissement, dans la mesure où tous les agents se contentent de produire des rapports ou des analyses complexes que peu d'utilisateurs exploitent ». Forrester appelle cela le « fossé entre l'action et la décision » [qui] correspond à la distance mesurable entre une information générée par l'IA (une prédiction, une recommandation ou une analyse) et l'action métier qui en découle et qui crée de la valeur.

« Un écart important signifie que vos agents génèrent des informations, mais pas de retour sur investissement. Or, l'annonce d'OpenAI constitue une tentative claire pour réduire cet écart. », affirme Craig Le Clair. L’auteur de l'ouvrage « Random Acts of Automation » pense que le monde du travail est voué à être bouleversé par des agents d'IA pilotés par des modèles. « Ce sont des pairs intellectuels qui sont (du moins dans leurs domaines respectifs) tout aussi intelligents que nous, cette capacité évoluant à un rythme plus rapide. Cette transition vers une main-d'œuvre hybride est mal comprise et coûteuse », analyse-t-il en ajoutant : « si vous pensez que le principal obstacle au déploiement d’un agent d’IA est le développement, les appels d’API ou les coûts liés au cloud, vous vous trompez. Les sociétés de services nous indiquent que pour chaque dollar dépensé en licences d’agents d’IA, les entreprises dépensent près de cinq dollars en services pour assurer son déploiement à grande échelle, et ces sommes sont consacrées à des changements organisationnels [pour permettre] une évolution des compétences. »

Des résultats pas toujours fiables 

Selon Craig Le Clair, Forrester a défini un programme d'expérience des agents qui se concentre sur cinq catégories de compétences reflétant ces changements : le traitement des connaissances, la gestion du changement, la pensée critique, les compétences d'interaction et la supervision des agents. La structure est primordiale. De son côté, Sanchit Vir Gogia représentant le cabinet Greyhound, a souligné que même les projets d'IA apparemment sans accrocs pouvaient poser problèmes. Il a raconté qu'un client de son entreprise, une banque, avait récemment mené un essai d'IA générative pour rationaliser son processus de notes de crédit. « Les résultats étaient prometteurs : des documents qui prenaient auparavant des jours étaient désormais disponibles en quelques heures », a-t-il constaté. « Mais lorsque les équipes de conformité ont examiné les résultats, elles ont constaté des lacunes et des affirmations sans vérification claire des sources. »

Par conséquent, le projet n’a pas échoué, mais il n’a pas été lancé non plus. L’institution a donc ajouté un cadre d’évaluation et réuni les responsables juridiques, des risques et techniques afin de gérer de manière globale les résultats de la GenAI. L’analyste a cité un autre exemple où un cabinet de conseil a intégré l'IA générative à son processus d'analyse pour l'évaluation de la taille d’un marché. « Les premiers gains de productivité étaient tangibles, mais les difficultés d'adaptation culturelle l'étaient tout autant », a-t-il souligné. « Les jeunes collaborateurs ne savaient plus où s'arrêtait leur rôle et où commençait celui de la machine. » Le cabinet a alors adapté son modèle de formation pour se concentrer non pas sur l'utilisation de l'IA, mais sur sa supervision.