Le quantique est une technologie très prometteuse avec beaucoup d'entreprises travaillant sur ce sujet dans le monde. Parmi elles, on retrouve des grands acteurs de l'IT avec des approches différentes : le cryostat du circuit quantique à 50 qubits supraconducteurs d’IBM, l’ordinateur quantique Sycamore de Google, l’émulateur de circuits quantiques jusqu’à 40 qubits d’Atos, le « Quantum Annealer » de 2000 à 5000 qubits supraconducteurs de D-Wave, le système de Honeywell ou encore le calculateur de Pasqal de 100-200 qubits à atomes neutres. Avec une levée de fonds de 25 millions d’euros réalisée au début juin, Pasqal espère en effet égaler les plus grands. La start-up, qui conçoit un ordinateur quantique à l’Institut d’optique de Palaiseau, s’allie désormais à EDF et aspire à révolutionner certains domaines comme la santé ou la finance.
« C’est la course pour fabriquer le premier ordinateur quantique industriel » explique Georges-Oliver Reymond, directeur général de Pasqal. L’objectif, plus qu’ambitieux, s’appuie sur la technologie des atomes neutres qu’il est possible de contrôler individuellement. Actuellement en phase d’émulation pour vérifier les performances algorithmiques, Pasqal travaille sur près de 200 Qubits aujourd’hui et annonce viser 1000 Qubits d’ici 2023. « Ajouter 1 Qubit équivaut à multiplier par deux la puissance de fonctionnement » précise Georges-Oliver Reymond. Grâce aux fonds levés, la jeune pousse souhaite lancer un projet international, afin d’équiper le centre de recherche allemand de Jülich et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Joliot-Curie, situé sur le plateau de Saclay.
Georges-Oliver Reymond est directeur général de Pasqal. (Crédit : Pasqal)
Le quantique au service de l’industrie
EDF s’appuie d’ores et déjà sur la machine Pasqal pour un cas d’usage très particulier : l’optimisation de l’alimentation de ses bornes de recharge de véhicules électriques. EDF a pour ambition d’installer 4 000 stations de recharge intelligente et lancer, d’ici 2035, 1,5 millions de véhicules. « Le quantique va fournir une supériorité concernant l’optimisation des contraintes liées au V2G (véhicule to grid) » précise Stéphane Tanguy, directeur des systèmes d’information et directeur technique d'EDF R&D. Un projet similaire avait déjà été lancé par Izivia, une filiale d’EDF, pour équiper l'Europe d'une infrastructure de charge rapide pour véhicule électrique. Avorté, le programme revendiquait en février 2020, 217 bornes de recharge rapide sur son réseau. 28 points de recharge restent encore actifs aujourd’hui en France.
L’équipe qui travaille sur cette problématique regroupe actuellement 10 personnes, dont 4 thésards, aux profils plutôt physiciens. Revenant sur la pénurie d’ingénieurs quantiques, Stéphane Tanguy souhaite que « les profils de demain soient un croisement entre le mathématicien, le physicien et l’informaticien, qui comprendront l’ensemble du processus ». A cet effet, EDF, en partenariat avec l’Université de Paris Saclay, est en train de développer un master sur le plateau de Saclay. Bernard Salha, directeur technique du groupe EDF et directeur de la R&D, ajoute qu’EDF utilise aujourd’hui Atos et la machine Pasqal dans l’optimisation des moyens de production d’énergie sur les différents sites (ENR, barrages, centrales nucléaires…) afin de réajuster les dispositifs en temps réel par la suite. « La réduction des coûts de quelques pourcentages est déjà très intéressant concernant la consommation française » précise-t-il.
Stéphane Tanguy est directeur des systèmes et technologies de l’information au sein de la R&D chez EDF. (Crédit : EDF)
Une stratégie nationale axée quantique
Cette collaboration s’inscrit dans le cadre du Plan national sur le quantique, visant à développer une technologie fiable d’ici 2025. Les appels à projets ne sont pas encore sortis, le « Grand défi NISQ » doit être annoncé à la fin de l’été. Doté d’un budget global de 518 millions d’euros dédié à la R&D, EDF investit dans le quantique afin d’en comprendre tous les tenants et former les ingénieurs en informatique quantique de demain. Le projet avec Pasqal est subventionné par le PAck Quantique Ile-De-France. Aujourd'hui, une dizaine de chercheurs et doctorants travaillent sur le sujet du calcul quantique. Au-delà de ce cas d’usage, le groupe EDF développe depuis plusieurs années des solutions visant à aider les clients à se décarboner - que ce soient des collectivités ou des entreprises – mais aussi renforcer les performances des moyens de production et réussir la transformation numérique incluant l’IA, l’IoT ou encore le quantique.
« Le choix d’utiliser la technologie Pasqal n’est pas exclusif mais s’est fait au regard de certaines considérations. Tout d'abord, l'adéquation entre la technologie de Qubit « atomes froids » et certaines des problématiques d’optimisation de l'entreprise. Le nombre de Qubits (100-200) disponibles sur la machine est par ailleurs un réel atout » précise Stéphane Tanguy. Le pôle recherche et développement d’EDF regroupe aujourd’hui 2 000 personnes, avec 20 laboratoires, 9 centres dans le monde, dont trois en France. « La réussite se trouve dans l’horizontalité » note Bernard Salha. « Si l’on prend l’exemple des voitures électriques, il s’agit de travailler main dans la main avec les constructeurs automobiles pour créer une voiture du futur viable ». Face à cette contrainte de temps, la course est désormais lancée avec des objectifs plus qu’ambitieux.
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