Google est sans doute surtout connu pour son moteur de recherche. Mais depuis longtemps, le géant de l’Internet s’est associé avec des entreprises apparemment fantaisistes dans des domaines aussi divers que les voitures sans chauffeur, les drones et le vieillissement humain. Depuis hier, la création d’Alphabet donne à ces activités « secondaires » plus de légitimité et plus de transparence, propulsant au passage certains dirigeants de Google à de nouveaux postes avec de nouveaux titres. Les cofondateurs Sergey Brin et Larry Page deviennent respectivement Président et CEO de la holding Alphabet, alors que Sundar Pichai, anciennement vice-président en charge d’Android, de Chrome et des Google Apps, devient CEO de Google. Cette restructuration permet à l’activité de recherche de Google de se poursuivre avec la même intensité dans les mains compétentes de Sundar Pichai tandis que les diverses entreprises secondaires - les plus passionnantes diraient certains - gagnent une place plus importante et plus claire aux mains de Sergey Brin et Larry Page, même si les cofondateurs ont toujours la possibilité de reprendre les rênes de Google, si nécessaire.

Parmi les autres investissements de Google, les projets liés à sa voiture autonome (self-driving car) ci-dessus ou aux drones sans pilote (ci-dessous).

Générer des revenus en dehors du Search

« La recherche, activité principale de Google, a toujours été une vache à lait », a commenté Bob O'Donnell, président, fondateur et analyste en chef de Technalysis Research, interrogé par nos confrères d’IDG News Service. « Elle a permis de justifier toutes les expériences engagées par ailleurs par Google dans des domaines plus ou moins éclectiques ». Cette relation a bien fonctionné pendant un temps, mais « il devenait nécessaire de montrer que ces activités devaient être prises au sérieux, et qu’elles ne soient plus considérées comme un tas de projets scientifiques et rien d’autre », a déclaré l’analyste. « Probablement, et en premier lieu, la restructuration va obliger Alphabet à générer des revenus sur ces nombreuses entités », a-t-il ajouté.

« Le manque de transparence est effectivement un problème relevé depuis longtemps par les analystes financiers qui suivent Google », a rappelé pour sa part Charles King, président du cabinet Pund-IT. « Il semble que la structure d’Alphabet a été spécialement conçue pour y répondre ». Surtout, cette réorganisation clarifie la situation de l’entreprise Google aux yeux du monde extérieur, en particulier vis-à-vis des investisseurs et des analystes financiers. « D’un côté, Google est reconnu comme une entreprise profitable qui domine largement la publicité en ligne et mobile », a encore déclaré l’analyste. « Mais les médias tendent à focaliser leur attention sur les aspects moins conventionnels de l'entreprise, notamment des secteurs où Google perd régulièrement - et souvent - de gros paris ». Finalement, ces échecs ont probablement un impact négligeable sur l'ensemble des activités de Google, mais le fait demeure que si ces expériences ne débouchent sur rien, elles peuvent « altérer la perception que le public se fait de Google et de sa valeur financière », a ajouté le président de Pund-IT.

Limiter la responsabilité de Google ?

« La nouvelle structure devrait permettre plus de souplesse en laissant à chaque entité la capacité de prendre ses propres risques, tout en restant à portée de l'entreprise mère », a fait remarquer par courriel Rob Enderle, analyste principal de l’Enderle Group. « En même temps, la restructuration pourrait limiter la responsabilité et la portée des décisions de gouvernance », a déclaré Rob Enderle, par exemple quand Google est condamné à payer des amendes pour ses pratiques anticoncurrentielles dans la recherche. « Vu les amendes que devra peut-être payer Google pour ces pratiques, on peut imaginer que l’entreprise choisisse de déclarer l’activité recherche en faillite ou plaider pour obtenir que l’amende soit réduite proportionnellement à la taille de la nouvelle structure », a encore expliqué l’analyste de l’Enderle Group. « Google pourra également circonscrire les demandes de renseignements à une entité spécifique, et non à l'ensemble de l’entreprise », a-t-il ajouté.

Rattacher des activités à certaines régions ?

 

Par ailleurs, « Google pourrait essayer de rattacher certaines entreprises à des régions offrant de meilleures conditions fiscales et réglementaires, à considérer qu’une telle procédure ne coûte pas plus cher à l’entreprise », a encore déclaré Rob Enderle. « Enfin, la restructuration va probablement permettre de tempérer les ambitions », a ajouté l’analyste. « Il y a beaucoup de nouveaux postes clefs à prendre, et moins de cadres dirigeants devront quitter Google pour devenir CEO », a-t-il dit. « Ils pourront se séparer de leurs filiales sans dommage, un peu comme ce que fait Dell, sans avoir à sacrifier leurs cadres dirigeants ».